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Switch off

Je suis loin.
Je suis décalée.

Six mille kilomètres et six heures de décalage horaire me font percevoir de manière distanciée les événements que je lis sur les réseaux sociaux. D toute façon, je ne pourrais pas vraiment y prendre part.

Parfois, mon téléphone sonne, mais avec le décalage c'est rarement un moment où je puisse répondre. J'écoute donc mes messages avec de nombreuses heures de distance. J'en ai reçu un dimanche bers cinq heures du matin.
On s'est réveillé tard, tous un peu vaseux de la soirée de la veille. Et puis on a pas mal de route à faire alors je range l'info dans un coin de ma tête pour plus tard.

Je suis loin.

Il est trois heures du matin. On vient d'arriver. Encore excités par le trajet et les fous rires de la journée, personne ne peut dormir déjà. J'allume mon ordinateur, je regarde intriguée le statut facebook de la fille d'une amie. "RIP, brother". Encore une dispute avec son frère je suppose... 

Et puis je me  souviens soudain du message de ce matin sur mon téléphone. Laissé par leur mère.

La panique s'empare de moi. Il faut que je l'écoute. Maintenant.
Elle a la voix remplie de ces larmes contenues qui annoncent le pire. Son fils est hospitalisé, il est peu probable qu'il s'en sorte. Elle voulait que je l'apprenne au plus tôt.

Lorsque j'entends cette voix qui déchire mes entrailles, il est déjà mort.

Je suis décalée.

Avec la certitude de la nouvelle atroce, je m'effondre. Je pense que les amis qui l'entourent me prennent pour une cinglée. Je me tiens prostrée sur le canapé, une main sur la bouche et l'autre serrée sur ma poitrine. 
Il est mort, c'est pas possible. Il avait 12 ans. On ne meurt pas à douze ans.

Je pleure. Je bégaie. 
Et puis les larmes refluent, je reprends une activité presque normale.
Un peu plus silencieuse peut-être. Je préviens ma famille et les gens qui le connaissaient. 

Dans le lit un peu plus tard, je ne parviens pas à dormir. Ma tristesse est immense, je pense à cet enfant et à sa famille. Les larmes coulent en silence mais sans discontinuer. J'aimerais pouvoir les serrer dans mes bras, leur dire que je pense à eux. Je me contente d'un sms de vingt lignes parce que je n'ose pas appeler.

Pour la première fois depuis des années, je pleure la mort de quelqu'un. 

Il est presque cinq heures du matin de mon côté du globe.
Je suis loin.
Je suis concernée.

Commentaires

  • Juste te dire que j'ai lu. Que j'ai beaucoup de compassion. Et que je te fais un énorme câlin.

  • j'ai des poils hérissés sur tout mon corps en lisant cet article, pas de mots.....que dire....
    Je pense à toi, à ta peine mais également et surtout à la famille de ce tout jeune garçon :(

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