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  • les bulles

    La magie de ces sphères translucides et irisées qui prennent vie sous le souffle qu'il faut savoir doser si on ne veut pas qu'elles meurent avant même d'être nées.

    On oublie trop le pouvoir hypnotique et merveilleux de ces fragiles créations de savon.

    J'aime observer les enfants experts ou débutants. Parce que tous, chaque fois, ont sur le visage la fierté des bulles créées. Elles s'envolent et ils sourient, ils rient, ils sautillent, ils courent après. On tente de les attraper ou au contraire, on les regarde voguer sur les courants d'air selon que le moment est à l'excitation ou à la contemplation.

    Parfois, elles créent l'explosion de rire merveilleuse des tout-petits. Le rire spontané et encore sans limite qui fait monter aux joues un sourire complice irrépressible. Le son qui prend aux tripes, qui crée du bonheur et de la sérénité. Le son qui fait croire que tout peut aller bien encore puisque la spontanéité et l'abandon sont encore là. Ces fous rires, ce sont mes moments de vie préférés. Absolument rien jusqu'à présent n'a réussi à m'émouvoir à ce point.

    Et les bulles sont capables de ça.

    Alors comment ne pas comprendre l'incompréhension et la colère de l'enfant qui n'a plus de bulles ?
    Comment ne pas partager la frustration de cette absence de magie ?

    Je la comprends très bien parce que j'ai toujours des bulles à naître pas loin de moi. Au milieu des livres chez moi et derrière le téléphone au bureau.

    Oui, comment ne pas comprendre quand il s'agit de mon anti-stress préféré ?

    Mieux que le mutisme ou le jet de clavier sur le bureau, les moments où je fais des bulles disent à mes voisins mon besoin d'évacuer.
    Ces instants de concentration extrême pendant lesquels je souffle à travers la membrane de savon emprisonnée sur le bâton rose que je tiens à la main me recentrent et m'apaisent. Je suis entièrement fixée sur l'explosion de bulles que je souhaite créer. Et mon cerveau est alors hermétique quelques instants à tout agacement extérieur. Parce que tout ce que je souhaite à l'instant où je souffle -fort mais pas trop- c'est que la beauté des bulles viennent modifier le prisme de ma vision de mon environnement que je trouve si moche à ce moment-là.

    Alors je souffle et je sens que même si tout n'est pas réglé, je suis un peu plus légère. J'ai expulsé dans les bulles une partie des grrumbl. La magie des bulles fait son œuvre, comme si j'avais 3 ans.

    Ou deux et demie.

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  • moment intime

    Il y a quelques jours, on a ouvert mon dos en plein milieu puis on a refermé en faisant des jolis points.

    Pendant quelques semaines, je dois, tous les jours, refaire le pansement.
    En gros il s'agit de décoller le précédent, désinfecter, frotter un peu pour empêcher que des croutes ne se forment puis remettre le nouveau.

    C'est le plus souvent ma coloc qui s'en charge parce que c'est pas atteignable pour moi, le milieu du dos. Mais certains jours, elle n'est pas disponible alors je fais appel à mes autres infirmières.

    La plus proche habite à 3 numéros. Je passe juste avant d'aller au boulot. Pratique. Elle est pas hyper rassurée ni ravie mais elle m'a dit très fort en mode auto-conviction : "on est pas amies que pour la rigolade. Je suis là pour toi pour à aussi."
    C'est beau, c'est efficace.

    Mais voilà l'autre jour j'étais trop à la bourre alors je suis allée au boulot et j'ai demandé à ma cobue choupi. Comme j'avais pas super envie de me mettre torse nu dans le bureau on s'est enfermées dans les toilettes handicapé qui sont vastes.

    Elle était inquiète et impressionnée. La cicatrice en cours de fermeture, les fils bleus encore en place... Pas à l'aise mais prête.

    Au début elle était si fébrile que j'ai dû insister :
    - tu as commencé ? Parce que je te sens pas...
    - ben oui mais...
    - vas-y plus fort, je t'assure,
    - je sais pas, comme j'ai pas l'habitude, je sais pas comment m'y prendre, j'ai peur de te faire mal.
    - oh non, tu me fais pas mal, tu peux y aller franchement !
    - ok...

    Au bout de quelques instants, son malaise allant grandissant, elle s'exclama : je te laisse un instant, je dois respirer un peu, j'ai la tête qui tourne.

    - écoute, tu as vraiment l'air gênée, on peut demander à quelqu'un d'autre de finir. Appelle une collègue.
    - non non, je veux aller jusqu'au bout. Vraiment.
    - mon soutien gorge te gêne pas ? Je peux l'enlever aussi !
    - non. Voilà, c'est bon, tu peux te rhabiller. Moi je file.

    C'est en sortant des toilettes que je me suis aperçue que la collègue qui se lavait les mains quand on est rentrées était encore là. Elle s'essuyait les mains. Probablement depuis 10 minutes.