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  • Les sanglots

     

    C'est arrivé assez lentement. Probablement parce que j'étais dans le métro. Et que la fille en face me regardait. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai senti que tant pis, y aurait pas moyen de juguler le flot, j'ai sorti un mouchoir.

    Depuis longtemps longtemps, mon mode de fonctionnement c'est "tu en crèveras s'il le faut mais fais comme si ça allait" voire "fais comme si ça allait aller". Je liste les choses bien, je positive, je crois que ça finit toujours par aller mieux. Je suis une méthode Coué ambulante.

    Parfois quand même, l'âge avançant, je perçois les limites de l'exercice, je pressens le craquage imminent. Alors je m'isole ou je marche dans la rue et je laisse couler des larmes silencieuses. Et ensuite ça va mieux, je repars.

    Pas ce soir.

    Ce soir, c'était trop de peine à évacuer. Ce soir, la terreur à l'idée de ne plus les savoir à côté, à portée, a été plus forte que ma joie sincère et profonde de savoir qu'ils vont être tellement heureux. Et je me suis mise à pleurer. J'étais inconsolable, ce n'était pas juste des larmes calmes pour évacuer le stress comme d'habitude, c'étaient des sanglots de petite fille, ceux qui surviennent quand le chagrin est trop fort. Je pleurais sans pouvoir me calmer, les épaules qui tressautent, la respiration qui halète. J'ai tenté d'endiguer tout ça mais pas possible. Alors j'ai laissé couler mes yeux, mon nez.

    Puis j'ai retrouvé le pouvoir de parler sans pleurer, puis celui de penser, puis celui de sourire voire de chanter à tue-tête en faisant le ménage dans la coloc.

    Ces sanglots sont comme une prise de conscience de ma capacité à craquer pour de bon et à ne pas me cacher la réalité en la parant d'optimisme et de ça-va-aller. Je suis terriblement triste. Voilà. C'est dit. Et le dire ne fait rien partir, ni le manque par anticipation, ni la peur de ne plus être dans leur vie. Mais ça aide à chercher comment faire au mieux avec cette tristesse et à raisonner aussi sur le fait que ce n'est pas la fin, que je pourrai toujours demander à débouler à la dernière minute, que c'est pas autour de ma peur que je dois me recroqueviller, que je dois être là pour eux en ce moment, pas pour moi.

    C'est drôle, hein, j'ai commencé un truc qui s'appelle #100daysofhappiness y a 3 semaines. Ce soir, avec quelques heures de recul, je choisirais presque ces sanglots comme le bonheur du jour.

     

     


    Big Bazar, Chante la vie... par rca23

     

  • A la maison

     

    Je dis "chez moi" ou "à la maison" très facilement.

     

    A la maison, c'est basiquement là où je dors. Y compris quand c'est le chez moi de quelqu'un d'autre.

    Quand je suis en vacances, l'hôtel est ma maison dès la seconde où j'y dépose mes valises. Si je passe plus d'une nuit chez un ami, on m'entendra facilement dire :
    "zut j'ai oublié ce truc à la maison !
    - Ah bon mais tu l'avais hier ?
    - Non, à la maison, chez toi... dans ma chambre actuelle, quoi."
    Pourtant, je n'investis pas les lieux comme un chez moi. Même quand je m'y sens très bien. Et heureusement pour mes hôtes.

    Evidemment, tous les "à la maison" ne contiennent pas la même intimité. A la maison des autres, je vis pourtant parfois des trucs d'une pureté telle que je les imprime dans le lot des moments à photographier dans ma mémoire.
    Comme la fois où on s'est serrés pour tenir dans le lit, tous les trois en pyjama, à regarder mister Fox.
    Ou quand je suis vautrée sur le canapé berger-libellulesque à grignoter des chips en racontant mes malheurs ou mes bêtises.
    Ou cette soirée ponctuée de conversations de 3 phrases maximum, couchée sur le parquet, assis devant son ordi, à chantonner lenny kravitz et préparer le voyage chez les soldats enterrés.
    Ou quand je me tiens debout dans sa cuisine pendant que réchauffe le poulet au curry et que je lui raconte dans le détail ce week-end qui changera tellement de choses.

    Je dis chez moi aussi pour raconter ce que je vis dans l'appartement dont je suis colocataire. Chez moi, et pas chez nous. Je ne me sens pas du tout insultante envers coloc, c'est chez elle aussi sans effleurement de doute dans mon cerveau, pourtant je dis assez peu "chez nous". Je ne le disais pas même quand je vivais chez mes parents. Comme si je ne faisais jamais partie d'un nous.

    D'ailleurs au final, chez moi, c'est où ? Eh bien... Je ne sais pas. La maison, c'est partout et c'est nulle part. Je n'appartiens à aucun des endroits qui m'abritent. En tout cas, je ne me sens retenue dans aucun de ces lieux.

    Mon cocon, le vrai, celui où je me réfugie quand je vais si mal que personne n'en sait rien, c'est mon lit. Et probablement que ça l'a toujours été. Adolescente puis adulte, j'ai toujours mis dans mon lit des tas de morceaux de ma vie.

    Dans mon lit, il y a mon ordinateur, les ampoules de vitamines, les prises pour tout charger, des livres commencés et ceux pour après, une boîte de mouchoirs, ma crème pour les mains, celle pour les pieds, la lampe de chevet, des chaussettes, le doudou de ma kanoup adorée, mes lunettes, une grue en papier aux couleurs de l'Italie, un sachet de bonbons, 4 oreillers...

    Dans mon lit, le vendredi soir, il y a souvent les restes de toute ma semaine -vieilles tasses de thé, fringues finalement abandonnées, cachets non pris- et le dimanche soir il n'y a que ce qui m'est absolument nécessaire et l'odeur du linge frais.

    Dans mon lit, il y a la trace de gens que j'aime : ceux avec qui j'ai dormi et ceux avec qui je n'ai au contraire surtout pas partagé mes draps ; ceux avec qui j'ai parlé des heures au téléphone et ceux avec qui j'ai envoyé mes mots et mes images par écrans interposés ; ceux dont j'ai rêvé la venue les yeux ouverts et ceux dont j'ai rejoué la venue les yeux fermés...

    Mon lit actuel, je l'ai plusieurs fois changé de place dans la chambre, mais toujours, il y a un petit coin où je peux me pelotonner. Ce lit, c'est mon bateau. J'y pense souvent en ces termes. Petite, j'avais même ce jeu qui consistait à considérer que je ne posais pas le pied au sol le matin, mais sur un petit canot qui me faisait naviguer de pièce et pièce, au mépris des requins et des pirates qui rôdaient. Grande, j'ai eu la chance de dormir dans un lit qui aurait été le bateau idéal s'il n'avait été construit en dur dans une chambre pluri-centenaire en Chine, grand et équipé d'une tablette au milieu du lit, de coins et recoins pour y laisser trainer tout son bazar sans perdre la place pour dormir et tout illuminé de couleurs.

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    Souvent, alors que je suis désormais supposément adulte, je me mets dans ce bateau et je fais bien attention à ne rien laisser dépasser ni tomber par dessus bord. Je m'y sens au-dessus des trucs ingérables qui me poursuivent... alors qu'il ne consiste plus désormais qu'en un matelas posé directement sur le parquet. J'y rêve d'ailleurs, j'y pleure mes déceptions. Il m'accueille pour les trajets entre moi et moi, j'y vogue vers moi plus sereine, c'est là que je suis chez moi. Chez moi et chez personne d'autre.

    Sans aucun doute possible.