Dans le merdier pourri qu'est mon boulot depuis un trimestre environ, je peux quand même profiter de quelques lumières dorées, chaudes et bienveillantes.
Parmi elles mon chef, cet homme étonnant qui ne laisse rien passer : les fautes de frappe, les notes rédigées à la va vite parce que j'ai la flemme, les infos que je ne lis plus par manque de temps et d'envie, les anniversaires, le moment de la pause café, les occasions de fêter des trucs tous ensemble.
C'est le genre de machine de guerre qui s'étonne que tout le monde n'ait pas la même force d'absorption mais qui prend 15 minutes pour aller nous acheter du bon chocolat quand je râle parce qu'il n'y en a plus. Le genre de robot à qui je rappelle à 13:40 que c'est l'heure de la cantoche et qui me demande 3 jours après un rendez-vous médical si je me sens mieux. Il m'envoie même des SMS depuis ses vacances parce qu'il sait que c'est la merde et qu'il s'inquiète, pour me dire merci et m'envoyer du courage.
Y a la copine de 30 ans qui a décidé qu'on avait le même âge. On se parle de bêtises et de choses hyper profondes. Elle me fait cadeau de très jolis compliments et de moments faciles où elle m'oblige à respirer quand elle voit que je dérape trop au boulot. On ne se voit pas tous les jours, débordées et passionnées de boulot que nous sommes, mais la savoir là, lui dire des blagues sur la messagerie interne, suffit certains jours à m'apaiser quelques minutes.
Et puis j'ai trouvé un petit frère chien fou irresponsable et affectueux. Je m'inquiète de lui et il vient régulièrement dans mon bureau voir si ça va. Ou alors il m'envoie des video de pandas mignons. Ou même il m'impose des câlins comme ça, en pleine journée. C'est vraiment exactement ce que j'imagine être une relation grande soeur / petit frère. Attentifs sans juger, là pour l'autre mais sans interférer avec les souhaits de l'autre. C'est assez magique.
Il y a aussi l'assistante en or qui s'occupe de moi et me guide quand je suis perdue. Quand elle est en vacances, comme c'est vide, ce couloir. Ou encore Tic et Tac les copinettes toujours ensemble qui m'obligent certains midis à aller faire du shopping parce que mes chaussure c'est plus possible. Et le voisin, qui veille sur moi. Et aussi la collègue du Luxembourg qui m'invite à boire des verres quand elle voit que ça va vraiment pas. Que dire de la cantatrice qui me fait de jolis compliments et partage sa lumière intérieure.
Au milieu du chaos, de la rage, du découragement parfois, il y a la lumière. Elle est là, elle m'entoure. Vive ou douce ou clignotante mais elle est toujours là. C'est une chance inouïe que d'être embrassée par le bienveillance des autres. Cette lumière m'aide presque tous les jours à ne pas oublier combien j'aime ce boulot ni que je dois m'en préserver.
Parfois la lumière est un peu faible et si je ferme les yeux, elle disparaît complètement. Mais je peux compter sur les étincelles pour me rappeler à l'ordre.
Ba bosse
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Lumière
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L'avertissement
Je sais que j'avais dit que la note precedente serait la première d'une série chouette et gaie mais ça va être compliqué. (Vous notez que je m'adresse à vous comme si vois alliez être déçus alors que 1. je ne sais même pas si y a quelqu'un au bout de la ligne et 2. Je ne sais mê me pas ce que vous attendez de cet endroit...) Bref. Je disais que j'allais pas être super gaie. Mais j'ai une excuse en béton je vous assure.
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moment intime
Il y a quelques jours, on a ouvert mon dos en plein milieu puis on a refermé en faisant des jolis points.
Pendant quelques semaines, je dois, tous les jours, refaire le pansement.
En gros il s'agit de décoller le précédent, désinfecter, frotter un peu pour empêcher que des croutes ne se forment puis remettre le nouveau.
C'est le plus souvent ma coloc qui s'en charge parce que c'est pas atteignable pour moi, le milieu du dos. Mais certains jours, elle n'est pas disponible alors je fais appel à mes autres infirmières.
La plus proche habite à 3 numéros. Je passe juste avant d'aller au boulot. Pratique. Elle est pas hyper rassurée ni ravie mais elle m'a dit très fort en mode auto-conviction : "on est pas amies que pour la rigolade. Je suis là pour toi pour à aussi."
C'est beau, c'est efficace.
Mais voilà l'autre jour j'étais trop à la bourre alors je suis allée au boulot et j'ai demandé à ma cobue choupi. Comme j'avais pas super envie de me mettre torse nu dans le bureau on s'est enfermées dans les toilettes handicapé qui sont vastes.
Elle était inquiète et impressionnée. La cicatrice en cours de fermeture, les fils bleus encore en place... Pas à l'aise mais prête.
Au début elle était si fébrile que j'ai dû insister :
- tu as commencé ? Parce que je te sens pas...
- ben oui mais...
- vas-y plus fort, je t'assure,
- je sais pas, comme j'ai pas l'habitude, je sais pas comment m'y prendre, j'ai peur de te faire mal.
- oh non, tu me fais pas mal, tu peux y aller franchement !
- ok...
Au bout de quelques instants, son malaise allant grandissant, elle s'exclama : je te laisse un instant, je dois respirer un peu, j'ai la tête qui tourne.
- écoute, tu as vraiment l'air gênée, on peut demander à quelqu'un d'autre de finir. Appelle une collègue.
- non non, je veux aller jusqu'au bout. Vraiment.
- mon soutien gorge te gêne pas ? Je peux l'enlever aussi !
- non. Voilà, c'est bon, tu peux te rhabiller. Moi je file.
C'est en sortant des toilettes que je me suis aperçue que la collègue qui se lavait les mains quand on est rentrées était encore là. Elle s'essuyait les mains. Probablement depuis 10 minutes. -
(ré)formation
Ce moment où tu expliques au chef de projet et à son chef la même chose pour la 290eme fois en 18 mois.
Ce moment où tu te rends compte qu'en fait, ils sont presque en train de découvrir la question.
Ce moment où tu te dis que c'est con, la pédagogie, la seule chose que tu pensais maîtriser au boulot ben en fait, non...
Ce moment où tu te retiens tout juste de sangloter.
Ce moment où tu te dis que c'est pas des vacances qu'il te faut, c'est démissionner.
Ce moment où tu tentes de rationaliser, vu que tu sais que le chef a une grosse présentation l'aprem-midi, tu supposes que tu sers d'exutoire.
Ce moment où on te reproche de prendre les choses trop à cœur et où t'oses pas répondre que c'est inversement proportionnel à son propre investissement professionnel.
Ce moment où tu pars te réfugier dans ton bureau.
Ce moment où tu te dis que c'est pas eux, c'est toi et juste toi.
Ce moment où tu aimerais que les gens respectent ce que tu es au lieu d'utiliser chacune des failles qu'ils parviennent à mettre au jour malgré tes efforts constants de contrôle de soi.
Ce moment où tu te sens désarmée et incapable de penser à un moyen de changer cette situation.
Ce moment, c'était il y a quelques semaines.
À l'époque, je savais très bien que le moyen de changer va m'être donné très bientôt. Je pars en formation et parmi les outils qui vont m'être donnés, il y aura ceux du discours, de la négociation et de la gestion des divers profils communicants.
En gros, bientôt, je saurai comment -en fonction de ce que je suis- manipuler un émotif, un rationnel, un autoritaire... Par extension, je saurai aussi comment me protéger de ces gens si je parviens à les profiler.
Paradoxe.
Certains cherchent à montrer au monde et aux leurs qu'ils sont capables de se prendre charge, seuls. Ils sont prêts pour ça à faire des milliers de kilomètres et à changer complètement leurs perspectives de vie sociale et professionnelle. D'autres ont toujours été l'exemple donné pour montrer comment être autonome et responsable alors ils aimeraient apprendre à ne plus être dans la gestion perpétuelle, le raisonnable... lâcher prise un peu, quitte à se faire prendre en charge pour les détails les plus inutiles du quotidien.
Alors que depuis quelques mois j'essaie de montrer ce que je suis et ce que je ressens (enfin, toutes proportions gardées) et de laisser la place aux autres, on va me donner les outils pour contrôler le tout encore mieux.
Paradoxe.