Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mille-feuilles

 

 

Elle est fatiguée. Non lasse plutôt. Quand elle ouvre la porte de son studio, il ne reste plus du jour qu'une lumière rasante un peu dorée. C'est la fin de la journée mais grâce à sa double exposition, son grand studio reste encore plutôt lumineux.

Claquant la porte du pied, elle fait tomber d'un même mouvement d'épaule son sac à main et son manteau, qui vont rester en tas près de la porte jusqu'à demain matin qu'elle parte bosser. Pas envie. Et mal aux pieds aussi, tiens. Elle s'en rend compte alors qu'elle se lave les mains pour enlever ses lentilles. Et elle sort de la salle de bain mi-chaussée mi-pied nu, un escarpin à la main, avec cette démarche claudiquante typique de celles qui ne portent plus qu'un seul de leurs talons.

Soupir. Elle est pieds nus.

La bouilloire fait son oeuvre mais elle ne l'entend pas. Elle se débarrasse de son pantalon et ouvre son chemisier. Chacun de ses gestes est lent et précautionneux, elle ne peut utiliser qu'une seule main, elle n'a désormais plus de poche où ranger son ipod, elle le tient à la main. Elle ne pouvait pas éteindre la musique, pas couper le moment.

Il fait chaud et elle n'a pas à craindre les regards indiscrets : dans cette mégalopole grimpante, à partir de 18 heures, elle n'a plus pour vis-à-vis que des bureaux vides. Alors elle finit son effeuillage ou presque. Il ne lui reste plus que son lourd bracelet un peu trop grand et une culotte bleue marine très sage.

En attendant que le thé infuse, elle se met à danser, très très lentement. Le regard fixé vers le dernier reflet du soleil sur le balcon d'en face, elle se sert du bord de l'évier comme d'une barre et joue les ballerines. Emportée par son élan, elle enchaîne les arabesques, laisse ses bras onduler autour d'elle. Elle se sent gracieuse et en accord avec les vibrations qui entrent par ses oreilles.

Soudain fredonne, murmure plutôt. Elle  ferme les yeux, penche la tête en arrière, se cambre et frissonne de la caresse furtive des cheveux sur le creux de son dos. La chanson se termine. Elle éteint la musique. Elle est là, devant son thé fumant, sur la pointe des pieds, comme finissant une pirouette. Elle attend que le silence prenne la place et entend un éclat de rire.

Elle sursaute. Elle ne l'avait pas vu. Pourtant il était là avant elle. Entièrement dans le brouillad sensoriel qu'elle avait créé en rentrant. Myope, sourde et rêveuse, rien ne pouvait crever sa bulle. Elle  en a la chair de poule.

 

Avec un profond soupir, elle prend une grande gorgée de thé. Il est très amer et tout juste tiède. Il a beaucoup trop infusé.

 

Commentaires

  • Beau texte très "imagé" (ça se dit ça?) bref je voulais dire que j'ai vu la scène et te lisant :)
    Texte sensuel aussi et merci pour la bande son. J'adore.

  • merci bien, petit grain de sel !

Les commentaires sont fermés.