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  • La derniere chanson

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    Quand la chanson commence, je suis sur le bateau qui me ramène à Singapour après 3 jours de plages paradisiaques. Je termine trois semaines de vacances en Asie du Sud est.

    Cet endroit sale, moite et sous-développé où je n'ai jamais eu envie d'aller. Seulement, les problèmes de riches c'est parfois être célibataire, travailler comme une damnée, avoir encore 5 semaines de congés à poser sur un trimestre... et pas vouloir claquer 8.000 euros dans un voyage solo en occident. Ce sera donc l'Asie en semi-groupe / semi-solo. Sans conviction.

    Quand la chanson commence, je ne sais pas encore que c'est la dernière de la playlist de 50 heures qui m'a été concoctée spécialement pour que je me sente accompagnée tout le voyage.

    Au début, elle m'a vraiment servi de béquille, cette playlist. Dès l'avion. Avec ces 18h de voyage. Je me sentais perdue, seule, bousculée. Le Vietnam au bout du chemin avec comme unique point de désir la baie d'Ha Long. Le reste était brouillard et indifférence. Tout ce que je voulais, c'était oublier le boulot (raté) et tenir le choc seule au milieu des 10 inconnus qui composaient le groupe des deux semaines à venir. Pensée positive chevillée aux gènes, je me disais qu'au pire, j'avais des livres et de la musique.

    Quand la chanson commence, je sors de la torpeur semi-hypnotique dans laquelle les derniers jours en total solitaire m'ont mise. Ces sonorités brésiliennes, c'est normalement tout ce que je zappe directement...

    Un peu comme l'Asie en fait. Aucune envie de ce truc qui m'est quasi-imposé. Et puis ce non-choix s'était révélé quasi instantanément une bénédiction. Aucune sensation de familiarité avec les lieux, la culture ou les gens. A aucun moment. Pourtant, le Vietnam a encré des milliers de mes cellules cognitives avec une évidence spontanée. Et pas toujours dans ses aspects les plus attendus, même si la magie des images d'Epinal fait aussi son effet. Ce sont les goûts, les odeurs, les sensations de moiteur et la gorge qui se serre en voyant les rizières.

     

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    Quand la chanson commence, franchement, je suis presque cafardeuse de solitude alors je vais pas m'obliger à écouter cette chanson brésilienne. Et en même temps, on dirait qu'elle a été écrite pour ce moment. Alors je regarde l'écran de mon iPod pour savoir ce que c'est. C'est là que je constate que c'est la dernière chanson.

     

    Quelle bizarrerie, à ce moment précis, à la toute fin de mes trois semaines de vacances, se termine la playlist qui a accompagné mes endormissements en milieu hostile, mes heures de bus cahotantes. La dernière chanson de la liste. Immédiatement, mon esprit tortueux fait la boucle et me fais revoir tout ce voyage que je n'avais pas souhaité. J'ai hâte de rentrer et de retrouver tous les miens au point d'en pleurer, mais j'ai déjà un sourire tout doux en repensant à certains moments. Et la chanson me plaît bien, en fait. Je l'écoute jusqu'au bout. Comme ce voyage.

     

    Alors ce soir, quand la chanson qui ne quitte plus jamais mon iPod a commencé, j'ai comme chaque fois revu avec précision l'eau et le port et le bateau où je me trouvais quand nous nous sommes rencontrées. Et je me suis souvenue des rizières, de la lumière, de la douceur veloutée de l'air lourd... je me suis appuyée encore une fois sur la force que j'ai puisé dans ce voyage depuis. Et j'ai savouré ces notes qui sont un réconfort automatique, elles m'enveloppent dans le petit bonheur.

    La dernière chanson, celle que j'aurais bien zappée, elle me rappelle chaque fois combien je suis faible sans vous mais que je suis forte grâce à tout ce que vous me donnez que je n'aurais jamais découvert mais aussi grâce moi et à mon envie de trouver le positif même dans ce dont je n'ai pas envie.

    La dernière chanson, elle symbolise la fin de la fuite, le début du voyage vers moi.