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Ba trip

  • La première fois

    J'ai les mains qui tremblent un peu. Ce n'est pas réellement ma première fois mais ça fait déjà quelques temps depuis la dernière fois alors je suis en quelque sorte intimidée.

    Hier soir déjà et ce matin encore, j'ai réfléchi 20 minutes à la bonne tenue et aussi au comportement à adopter. Inutile de faire la timorée je n'ai plus douze ans... et en même temps, je me trouve toujours empotée et hésitante au début. Après aussi, en quelque sorte. Mais ça devient un peu plus fluide au moins...

    Quelques instants avant le rendez-vous, j'ai le souffle plus court et le ventre un peu noué. Je me demande si et comment je vais m'en sortir. J'espère aussi que tous les gens autour ne se rendront pas compte, il faut que je me reprenne, que je fasse mine de gérer.

    En même temps que la trouille, il y a le sourire d'anticipation. L'excitation. L'envie. J'ai presque aussi hâte que peur.

    Allez, je suis prête et on m'attend. Aucune raison de repousser plus longtemps. J'y vais.

    Oh la la je ne vais pas y arriver. Je veux faire demi-tour. Je n'aurais jamais dû accepter cette invitation. N'importe quoi.

    Hop.

    Je ne ferme surtout pas les yeux, j'appréhende tout et tous. Je suis prudente. Je ne sais plus comment on fait, c'est la panique. Alors je commence à me parler : dans ma tête d'abord, je me rappelle que je sais faire puis à voix très basse, je m'encourage et enfin à voix haute, je me félicite de m'être lancée.

    Chaque année la même chose puis chaque matin de la semaine ensuite, même si un petit peu moins intensément... La première piste me fiche la trouille, même quand c'est une verte toute facile. Le ski, cet étrange sport que je tente d'apprivoiser depuis quelques années grâce au berger généreux qui m'a ré-entraînée vers la montagne.



  • La derniere chanson

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    Quand la chanson commence, je suis sur le bateau qui me ramène à Singapour après 3 jours de plages paradisiaques. Je termine trois semaines de vacances en Asie du Sud est.

    Cet endroit sale, moite et sous-développé où je n'ai jamais eu envie d'aller. Seulement, les problèmes de riches c'est parfois être célibataire, travailler comme une damnée, avoir encore 5 semaines de congés à poser sur un trimestre... et pas vouloir claquer 8.000 euros dans un voyage solo en occident. Ce sera donc l'Asie en semi-groupe / semi-solo. Sans conviction.

    Quand la chanson commence, je ne sais pas encore que c'est la dernière de la playlist de 50 heures qui m'a été concoctée spécialement pour que je me sente accompagnée tout le voyage.

    Au début, elle m'a vraiment servi de béquille, cette playlist. Dès l'avion. Avec ces 18h de voyage. Je me sentais perdue, seule, bousculée. Le Vietnam au bout du chemin avec comme unique point de désir la baie d'Ha Long. Le reste était brouillard et indifférence. Tout ce que je voulais, c'était oublier le boulot (raté) et tenir le choc seule au milieu des 10 inconnus qui composaient le groupe des deux semaines à venir. Pensée positive chevillée aux gènes, je me disais qu'au pire, j'avais des livres et de la musique.

    Quand la chanson commence, je sors de la torpeur semi-hypnotique dans laquelle les derniers jours en total solitaire m'ont mise. Ces sonorités brésiliennes, c'est normalement tout ce que je zappe directement...

    Un peu comme l'Asie en fait. Aucune envie de ce truc qui m'est quasi-imposé. Et puis ce non-choix s'était révélé quasi instantanément une bénédiction. Aucune sensation de familiarité avec les lieux, la culture ou les gens. A aucun moment. Pourtant, le Vietnam a encré des milliers de mes cellules cognitives avec une évidence spontanée. Et pas toujours dans ses aspects les plus attendus, même si la magie des images d'Epinal fait aussi son effet. Ce sont les goûts, les odeurs, les sensations de moiteur et la gorge qui se serre en voyant les rizières.

     

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    Quand la chanson commence, franchement, je suis presque cafardeuse de solitude alors je vais pas m'obliger à écouter cette chanson brésilienne. Et en même temps, on dirait qu'elle a été écrite pour ce moment. Alors je regarde l'écran de mon iPod pour savoir ce que c'est. C'est là que je constate que c'est la dernière chanson.

     

    Quelle bizarrerie, à ce moment précis, à la toute fin de mes trois semaines de vacances, se termine la playlist qui a accompagné mes endormissements en milieu hostile, mes heures de bus cahotantes. La dernière chanson de la liste. Immédiatement, mon esprit tortueux fait la boucle et me fais revoir tout ce voyage que je n'avais pas souhaité. J'ai hâte de rentrer et de retrouver tous les miens au point d'en pleurer, mais j'ai déjà un sourire tout doux en repensant à certains moments. Et la chanson me plaît bien, en fait. Je l'écoute jusqu'au bout. Comme ce voyage.

     

    Alors ce soir, quand la chanson qui ne quitte plus jamais mon iPod a commencé, j'ai comme chaque fois revu avec précision l'eau et le port et le bateau où je me trouvais quand nous nous sommes rencontrées. Et je me suis souvenue des rizières, de la lumière, de la douceur veloutée de l'air lourd... je me suis appuyée encore une fois sur la force que j'ai puisé dans ce voyage depuis. Et j'ai savouré ces notes qui sont un réconfort automatique, elles m'enveloppent dans le petit bonheur.

    La dernière chanson, celle que j'aurais bien zappée, elle me rappelle chaque fois combien je suis faible sans vous mais que je suis forte grâce à tout ce que vous me donnez que je n'aurais jamais découvert mais aussi grâce moi et à mon envie de trouver le positif même dans ce dont je n'ai pas envie.

    La dernière chanson, elle symbolise la fin de la fuite, le début du voyage vers moi.

     

  • La route

     

    La route.
    Non LA Route.
    Le numéro mythique, le lieu cliché auquel on pense quand on imagine de grandes virées en voiture aux USA.
    Route 66.

    La chance absolue de ce périple a d'abord été la météo. On a eu à peu près tous les temps sauf la neige et c'était magique. Le même paysage tour à tour écrasé de lumière perpendiculaire ou au contraire rendu tout mystérieux par le ciel anthracite, c'est possible sur la route 66 ! Comment ? Parce que les dimensions sont telles que pendant plusieurs on pouvait suivre au loin la même montagne, point d'ancrage tranquille de tout le panorama. Après le petit dej, la montagne était loin sur la droite, tout embrumée, après le déjeuner, pile en face, quasi invisible sous les trombes d'eau qui tombaient du ciel, à l'heure du goûter, le soleil insolent éclaboussait cette montagne qu'on laissait s'éloigner sur la gauche, dans le soleil couchant, on l'apercevait nous disant un dernier coucou.

    Le long de la route paisible, des villes clairsemées se vantent de trésors improbables pour attirer le chaland. Comme le château d'eau penché ou la croix en tôle blanche de 38 mètres de haut ou le plus petit bureau de poste des États-Unis -si petit qu'on l'a jamais vu... Mais ce qui rythme vraiment la journée, ce sont les visions-cliché : la station service désertée depuis des années, les lotissements de caravanes, les repas xxl avec une limonade de 1 litre même si tu demandes la petite version, les grandes églises blanches annoncées par des panneaux "he is risen", les diners aux nappes à carreaux rouges et blanches, les ponts de fer...

    Et puis le vide. Surtout le vide. Quand on n'est pas sur l'autoroute, il se passe souvent plusieurs minutes sans que l'on ne croise quiconque. La route est rectiligne et sans fin, elle va jusqu'à l'horizon sans faillir. Parfois, on longe la voie ferrée et on fait la course pendant des kilomètres et des kilomètres avec un train de marchandises dont on peine à deviner la longueur totale.
    Le vide, c'est aussi celui du désert : plein de déserts différents. Celui tout plat avec de la terre rouge et quelques touffes d'herbe folle, celui entouré des mesas de western toutes plates, le doré infini et sablonneux avec de petits cactus pour seul agrément, painted desert le désert arc-en-ciel et les canyons qui découpent la monotonie jusqu'au célèbre Grand Canyon.

    Un peu comme si le paysage changeait les gens, chaque État traversé a une ambiance humaine à part. Les villes s'adaptent aussi aux clichés que l'on attend d'elles. Toutes les vitrines d'Oklahoma City supportaient les Thunders fraîchement éliminés en play-offs, Saint Louis a fièrement offert le Mississippi et son arche symbolique, les maisons en pueblo de Santa Fe nous ont rappelé si besoin était que nous étions au Nouveau-Mexique, cachée dans la montagne, Flagstaff et ses sapins, comme une plongée dans le stations de ski de série télé.

    De burgers en steaks panés et en empanadas, on a tracé un gros morceau de La Route, je l'ai déjà cassé en milliers de petits bouts pour mieux pouvoir les ressortir et y repenser.

     

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  • Chicago

    Chicago.
    J'en gardais un souvenir ébloui. Été indien et vie chez des autochtones, ça avait forcément aidé. Au point que lorsque j'avais commencé à réfléchir à tout laisser tomber pour partir vivre seule, c'est Chicago qui m'aurait semblé l'idée la plus lumineuse. Du coup, j'oscillais entre la crainte de constater que j'avais totalement surinvesti mes souvenirs et l'excitation à l'idée de revoir et de découvrir mieux Chicago. Entre tout, je me demandais un peu à quoi allait ressembler nos retrouvailles.

    Elles furent bonnes.

    Le temps radieux du premier jour, l'orage somptueux du deuxième soir, la grisaille enveloppante du 3ème matin, la douceur des températures tous les jours : la météo était avec moi.

    Les revisites m'ont réjouie, que ce soit la vue des grandes tours géantes ou les requins de l'aquarium ou même la ballade nez au vent au milieu des rues familières. Les découvertes m'ont enchantées, comme Oak Park et Frank Lloyd Wright ou l'art museum et Georgia O'Keefe ou les gigantesques serres remplies de fleurs au nom magique.

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    Il y a à Chicago tout ce que mon amour profond pour les Etats-Unis espère. A la fois les clichés que peuvent offrir les séries ou les films, avec la démesure de la gastronomie et du lieu, les gens hyper enthousiastes d'un rien, les sportifs le long du lac quelle que soit l'heure, la mixité sociale et de couleur de peau, les immeubles qui grattent vraiment le ciel, les quartiers familiaux avec les parcs et les grosses voitures garées devant les maisons au gazon impeccable.
    Et puis il y a aussi tout ce que je n'attendais pas forcément mais dont je sais désormais que c'est typique aussi, dans une certaine mesure. Des petits resto délicieux loin des chaînes de burgers, le recul total des habitants face à l'image qu'ils renvoient dans le monde, un humour féroce et vraiment pas politiquement correct, la preuve d'une avancée technologique et économique certaine qui côtoie la maison rafistolée ou la voiture en lambeaux dont se contentent certains, cette amabilité extrême dont on n'arrive pas toujours à déterminer à quel point elle est teintée d'hypocrisie, cette identité locale cultivée coûte que coûte à côté du patriotisme général.

    Je me rends compte que de toute les villes américaines que j'ai rencontrées, Chicago est celle qui incarne ma vision de la métropole cliché.
    Et j'ai déjà envie d'y retourner.