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Ba trip - Page 2

  • Pâle Pudong

     

     

     

    Les immeubles sont hauts et les rues très larges, elles ne s'appellent plus rues d'ailleurs, mais 大 quelque chose. Soit grand quelque chose. On n'aura qu'à dire que ce sont des avenues !

    Il fait tout laiteux, le jour sera tombé dans pas longtemps, il tombe très vite, ici, le crépuscule dure à peine un instant. Je viens de renoncer à monter en haut des immenses tours parce que ce ciel ne me permettra pas de voir grand chose. 

    Après tous ces jours passés à l'ouest de la rivière, c'est vraiment comme visiter un autre Shanghaï.

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    De ce côté du fleuve, il y a des trottoirs immenses, des gens affairés qui semblent aller vers de grands projets professionnels où la cravate est obligatoire... comme dans tous les quartiers d'affaires du monde. Ici aussi on me regarde bizarrement, mais pas parce que je suis européenne, plutôt parce que je me promène le nez au vent, en chantonnant au son de la musique qui coule dans mes oreilles.

    Je ne marche pas assez vite, je n'ai pas l'air concentrée, je cherche ma route, j'agace les autres, les pressés qui veulent rentrer chez eux, je suis un de ces escargots que je maudis régulièrement sur les trottoirs là-bas, chez moi, à Paris.

    De l'autre côté de la rivière, je suis beaucoup moins perdue, paradoxalement, parce que ça ne ressemble à nulle part ailleurs. C'est très fouillis au contraire de l'atmosphère quasi clinique de Pudong, mais les endroits ne se confondent pas, et puis les tours au loin sont des repères. Mon attention est plus facile à concentrer sur mon objectif de balade. Ici, les tours ne m'aident pas, je suis au milieu d'elles, elles sont partout, elles se cachent mutuellement. Ici, je me sens comme en terre connue où tous les repères auraient été brouillés. Je refais 2 fois la même rue sans m'en apercevoir, je ne trouve pas les embranchements, je me fatigue à chercher le métro qui me ramène vers la maison, il est pas loin, le plan me le dit, mais je ne vois rien.

    Je suis là et je suis ailleurs. La même chanson passe en boucle. Je frissonne de l'évaporation de l'eau de pluie qui a mouillé ma robe un peu plus tôt. J'ai mal aux jambes de toutes ces heures de marche accumulées. Je me demande ce qu'on fait ce soir. On est vendredi, on va rencontrer des inconnus, c'est sûr. Et puis demain on part pour 3 jours en vase clos, et si c'était ingérable ? J'ai la trouille d'avance, de ce soir, de demain, de la semaine prochaine, du retour... Mes pensées m'ont un peu trop échappé, je m'agace, il faut que je trouve mon chemin et il faut que je change de chanson.

    Ah, tiens, justement, le voila, le métro que je cherchais depuis une demi-heure.

     


     

  • Saint Pierre libéré

    Depuis 24 heures, je vis sourire aux lèvres, le manque de sommeil et le mal aux pieds ne peuvent pas diminuer la joie qui a pris corps à la seconde où on s'est retrouvé dans le hall de l'aéroport. 

    Rome.


    Beaucoup beaucoup à dire mais je vais me concentrer sur ma visite du musée du Vatican. 

    Énormément de monde attend pour acheter ses billets, heureusement, nous avions eu l'illumination de réserver à l'avance. On a remonté les 500 mètres de queue en sautillant et souriant comme des enfants qui auraient fait une bonne blague.
    Bien entendu, une fois dedans, on n'était pas non plus en condition pour une visite intimiste alors sans scrupule, on sautait les salles qui nous plaisaient moins en slalomant autour des groupes guidés. Au départ, le but avoué était le fameux plafond de la chapelle sixtine. Mais au fil des salles, on est obligé de rester parfois bouche bée devant la qualité des oeuvres, leur nombre, leur richesse. On se penche aussi derrière un rideau pour entrapercevoir la fontaine du jardin caché ou prendre une photo du dôme de saint Pierre au loin. 

    Même bousculée, je m'arrête devant certains tableaux ou je gêne les autres parce que je tente de voir et de photographier un détail qui me touche plus que le reste. Ce que je croyais au départ être une sorte de visite forcée se révèle en fait un amoncellement de paillettes de bonheur. 

    Et puis soudain je m'arrête dans une salle dont un mur entier est en travaux. Les gens y passent rapidement, jettent un oeil et se découragent devant l'aspect fouillis. Mais moi, je suis envahie par ce que je vois. 

    C'est très sombre, d'un noir profond qui me donne l'impression d'être aspirée dans le mur qui me fait face. Un cachot où se trouve Saint Pierre.
    Et puis dans la même seconde ou quasi, il y a cette chaleur douce et dorée, cet espoir qui est jeté à mon visage. Un ange est venu délivrer l'homme de sa prison. 

    J'aimerais être seule avec cette oeuvre. Pouvoir m'asseoir par terre et me laisser aspirer par les couleurs. Au départ, je ne comprends pas réellement ce qu'il se passe dans le tableau puisque je ne connais pas son nom. Je ressens juste un mélange de résignation et de magie. 

    Dans ce cachot sombre, on voit briller l'ange, les reflets des armes. Des multitudes de petits points de lumière, pas comme si de la peinture jaune et blanche avait été apposée sur l'oeuvre, comme si une vive lumière venait de l'intérieur de la scène. Comme si j'assistais à tout ça derrière une fenêtre. Je sens presque son reflet sur mon visage. 

    Dans mon souvenir, les couleurs sont peu nombreuses, des nuances de noir et de rouge-doré mais chacune a sa force, le noir de l'ombre n'a pas la même texture que celui du cachot. J'ai l'impression qu'en tendant la main, je pourrais toucher l'étoffe du manteau de l'ange, je sentirais sous les doigts la crasse sur le bois du lit sur lequel le prisonnier a dû s'appuyer. 

    J'ai eu envie de le prendre en photo. Pas parce que je suis une artiste -je n'allais jamais réussir à en rendre la magie- mais parce que je voulais avoir toujours un souvenir de ce moment qui a mis à contribution bien plus que ma vue. Et je n'ai pas réussi à rendre l'émotion, alors j'ai acheté une grande carte postale, et je l'ai accrochée près de mon lit.

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  • Ambiance trainesque

    Le bruit du monsieur qui grignotait ses graines de tournesol est devenu bien trop difficile à supporter, j'ai donc attrapé mon iPod et mis la musique un peu fort. Tant qu'à m'isoler autant le faire réellement.

    En fond sonore de ce périple en train, il va y avoir offspring, greenday, nirvana, me first and the gimme gimmes et the ramones.

    À gauche, un bébé grignote une grenade avec sa maman, à droite cendrillon a l'air paisible qu'il a souvent, en face, une dame n'arrive pas à arrêter de me fixer. On s'est souri plusieurs fois, elle a compris que je ne saurai pas lui parler alors elle se contente de me regarder. Et de se mettre à rire-sourire quand elle s'aperçoit que je me suis mise à secouer les épaules et à chantonner à voix basse mes chansons.

    Je ferme les yeux mais ne dort pas : soit je me penche à gauche et suis réveillée par le marchand ambulant dans le couloir, soit je me penche à droite et je risque de m'effondrer sur cendrillon.

    De toute façon, je n'ai pas vraiment sommeil, je suis tout excitée par ce voyage. Je me demande ce qui m'attend au bout du trajet.

    On pourrait croire que le seul chaos est dans mes oreilles mais si j'enlevais les écouteurs, j'entendrais les deux pipelettes au fond du wagon, le marchand qui crie qu'il vend des fruits, le bruit de la porte des toilettes qui claque. Il y a pas mal de gens debout ou à 3 sur des banquettes pour deux. Et puis on vient de cracher un chewing-gum à 10cm de mes pieds -il devait plus avoir de goût, la plateforme entre les wagons est devenue un fumoir, le nombre de poubelles ramassées par la personne chargée de la propreté du wagon ne cesse de croître...

    Pourtant, malgré ce bordel ambiant règne une sorte d'atmosphère de calme dans ce train. Un peu comme partout ailleurs jusqu'à présent, je retrouve cette sensation qu'au milieu des cris et de l'agitation, une espèce de fatalisme génétique leur permet d'avancer quoi qu'il arrive, à leur rythme.

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  • Jour 1 et suivants : apprendre à traverser

    J'ai peut-etre pas le permis de conduire mais la rue et ses codes je connais : le bonhomme vert ou rouge, le passage piéton, le feu clignotant ou l'absence de feu, je gère ce situations. Regard à gauche, à droite, furtif coup d'oeil à droite hop je m'élance. Je n'ai pas peur, je suis entraînée. Je marche souvent dans les rues -parfois même sans témoin ni personne- et je n'ai jamais eu à déplorer de problème particulier.

    Je sais traverser la rue.
    Je crois même pouvoir dire sans prétention que je maîtrise le niveau 2 à l'aise.

    La preuve ? J'ai eu l'occasion de pratiquer dans des pays où la conduite se faisait à gauche. Il me faut moins de 2 heures pour inverser la procédure et passer intuitivemet au droite / gauche / droite.

    Dans une telle situation, vous comprendrez sans peine que j'étais des millions de fois plus stressée à l'idée de me faire comprendre par les chinois et d'envahir l'espace de mon hôte pendant 2 semaines qu'à l'évocation anticipée de mes pérégrinations pédestres.

    Grave erreur.
    A Shanghaï, tu ne traverses pas la rue, tu sauves ta peau.

    L'ordre des regards est quelque chose comme : gauche, droite, gauche, derrière, re-droite, en face ça peut pas faire de mal, gauche. Y a personne ? Je me lance.

    Il y a une voiture ou un scooter voire même un vélo au loin, la question que je me pose n'est pas : "aura-t-il le temps de s'arrêter voire de ralentir" mais "ai-je le temps de sortir de sa trajectoire avant son arrivée ?"
    Si la réponse est non, je patiente.

    C'est pas une blague.

    Je prends pas la démarche décidée de celle qui sent que la voiture s'arrêtera. Parce que rien n'est moins sûr.

    Après 2 heures sans escorte locale et un rétroviseur qui a touché mon sac à main, j'ai compris que stop les conneries.
    48 h plus tard, je pense que je m'approche du niveau 3 du diplôme de traversée de rue.

    Quelques règles à connaître :
    - le piéton n'est ja-mais prioritaire
    - la couleur du feu n'est pas une indication suffisante pour autoriser à traverser
    - la présence ou l'absence de passage piéton n'influe en rien sur le comportement des gens sur la route
    - se faufiler sournoisement au milieu d'un groupe de locaux n'immunise pas contre la mort

    Petit exercice : je vois la chose suivante et une voiture plutôt très loin.
    A- Je traverse ?
    B- Je m'arrête ?

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    Je m'arrête.
    D'abord parce que je pense que c'est le seul stop de la ville. Qui saura reconnaître son usage ?
    Ensuite parce que le passage piéton ne mène nulle part. Vous allez droit dans un muret et une haie !