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(se) Rencontre(r)

Le jour où il l'a rencontrée, il avait déjà entendu parler d'elle des dizaines de fois, il savait son existence depuis plusieurs années. Ils s'étaient loupés plusieurs fois déjà. L'amie prodigue, la fille géniale, celle dont tout le monde a l'air de penser du bien et avec qui tous ses potes avaient vécu tant de moment merveilleux. Il n'était pas jaloux, non, ce serait exagéré... un peu agacé de son omniprésence peut-être, et encore.

À cette soirée de rencontre, il était arrivé parmi la deuxième vague d'invités. Ceux qui ne s'embarrassent jamais vraiment de l'heure d'accueil prévue par les hôtes parce qu'ils ne comptent pas partir à 21 heures de toute façon. Et cette fille, debout un verre à la main, écoutait en souriant un groupe de potes. Il avait deviné qui elle était : c'était la seule inconnue de la soirée.

"Yes, Tom. Enfin là. Viens, faut que je te présente..."
Bonsoir, hello, ravi, enchantée, sourire, reprenons la discussion. Pas grand chose de délirant. Plutôt jolie quand même. Et en insistant, drôle et intéressante. Un quart d'heure plus tard, ils rigolaient de broutilles, une demi-heure de plus et elle lui racontait la fois où elle avait tenté le parapente mais était restée sur la falaise, pleurant de trouille. Il avait compris pourquoi tous lui prêtaient une telle aura.

Puis son amoureuse était arrivée, elle rentrait d'un déplacement en Espagne alors ils avaient passé un peu de temps tous les deux à se raconter leur semaine. Elle était retournée papoter de son côté. Et il avait fini sa soirée comme toutes les autres, à boire et refaire le monde avec les potes et avec cette nouvelle membre du groupe aussi, du coup.
Et ils ne s'étaient plus croisés avant des mois mais au moins il pouvait, lui aussi, expliquer combien cette fille était drôle et sympa et tu te souviens de la soirée où... ?

La deuxième fois qu'ils s'étaient vus, elle était folle amoureuse du beau gosse qui l'accompagnait. On prend des nouvelles, on s'étonne de pas se croiser plus souvent vu le nombre d'amis communs (elle est décidément toujours aussi jolie...) et on fait une place au nouveau, hyper sympa. À ce rythme, ça va finir par être indécent, cette vie parfaite.

Comme la fois précédente, il ne l'a pas revue avant des mois. Comme la fois précédente, il a quand même glané toutes les info la concernant qu'il a pu. Cette fois-ci au moins, il ne se sentait plus coupable vis-à-vis de son amoureuse, elle l'avait quitté.

La fois suivante, il a passé la soirée à se marrer avec elle et son beau gosse. Quand ils se sont dit au revoir, ils se sont promis de se voir plus souvent. Comme la fois précédente. Sauf que -comme la fois précédente- ça paraissait peu faisable.
À l'époque, l'ex de Tom avait refusé net de l'inclure dans les boucles de mails de soirée, verte de jalousie devant cette fille drôle et jolie et que tous aimaient... Et maintenant il allait devoir trouver des stratagèmes, parce que s'il leur proposait un truc, il allait vite avoir l'air de tenir la chandelle...

Et le temps est passé. Et le beau gosse est parti. Et il pouvait désormais l'avouer au moins à lui-même : elle lui plaisait bien, cette fille vue de manière épisodique et fugace. Mais il ne voyait pas trop comment le lui faire comprendre ou faire bouger les choses.

Alors le temps a continué à filer. Au début, il a tenté tous les prétextes pour la voir. Y en avait pas beaucoup alors il a proposé ses services chaque fois que c'était possible. C'est comme ça qu'il s'était retrouvé un samedi matin à faire les cartons avec elle pendant qu'elle lui racontait ses souvenirs avec le beau gosse. Comme ça aussi qu'il est devenu son confident, ça c'est depuis la fois où il l'a consolée spontanément de sa déception mais où il a compris trop tard que c'était pas d'une copine mais d'un mec qui lui plaisir qu'elle lui parlait...

Et aujourd'hui ? Aujourd'hui il est devenu sa BFF, il est celui à qui elle raconte ses plans foireux avec les mecs rencontrés dans les bars, à qui elle demande conseil pour sa tenue avant l'entretien d'embauche, avec qui elle occupe ses soirées d'ennui. Il est son doudou.

Le doudou qu'on aime toujours, même tout usé et mal lavé. Le doudou qu'on traînera partout toujours. Mais le doudou qu'on mettra dans un tiroir chaque fois qu'il y aura un beau gosse à accueillir dans son lit.
Il est là, il trône à la place d'honneur sur son oreiller, puis sur sa commode puis dans un carton au fond du grenier. Le doudou vivra toutes ses émotions mais par procuration.

À moins qu'il ne trouve un moyen de devenir le beau gosse qu'on accueille dans son lit...

 

 

Commentaires

  • Tiens, c'est un billet que j'aurai pu écrire avec sûrement moins de poésie, avec beaucoup plus de souffrance et sans point de suspension.

  • c'est une histoire très touchante.
    On ne dira jamais assez la douleur des doudous. Il me semble que parfois, ils doivent provoquer les choses pour aller de l'avant. La vie par procuration ce n'est pas la vie et parfois on s'en rend compte trop tard.

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