On est abreuvé d'affiches et de demandes de dons aussi. En général donc, j'avance en pilote automatique et ne remarque rien. Mais là quand même, le slogan me gifle. La comparaison de cet homme à un chien me paraît vraiment insolente. Pas insultante, parce que je ne ressens pas de mépris vis-à-vis du détenu, mais très violente.
Si j'entends bien que les gens ont voulu nous dire « vous donnez une tonne à la SPA pourquoi est-ce que ça ne vous choque même pas que des hommes soient incarcérés dans des conditions humiliantes ? » je me dis immédiatement que tout le monde n'aura pas le même recul. Et un graffiti posé là le lendemain me donne raison : « je trouve scandaleux qu'on compare un prisonnier à un animal. » Voila. Une fois de plus, on atteint les limites d'une communication trop directe dans une société où le bien-pensant est roi et où même les causes à défendre doivent dégouliner de bons sentiments, de barbapapa et de guimauve. Mais qui a volé le second degré et le recul, le sens de l'humour et l'intelligence ?
Sur moi, ça a marché en tout cas. Je suis mal à l'aise chaque fois que je passe devant l'affiche et surtout, je continue à y penser même après. Peut-être parce que c'est moi la cible et que ce mode de pensée est aussi le mien. Je suis effectivement choquée à l'idée que la cause des bébés phoques et de la chasse à la palombe émeuve plus que le sort des hommes. Mais je ne suis pas étonnée : c'est tellement plus facile de donner un os à un chien que d'affronter le regard de cet homme, symbole douloureux de l'échec de la société dans laquelle nous évoluons.
Cette note est un extrait d'un point de vue collectif. Pour connaître les autres, c'est LA.
Commentaires
Quand je croise le regard de cet homme j'ai envie de baisser les yeux...
Mais je comprends le point de vue de l'OIP, ils ont besoin de faire connaître leur action et leur besoin de dons, quitte à choquer beaucoup. Quelques-uns, comme nous, s'interrogent : c'est qu'ils ont déjà un peu gagné.
Les deux causes sont louables à mes yeux. Je ne pense pas que l'on puisse comparer. Chacun donne à la cause qui le touche le plus: les animaux, les personnes âgées seules, l'état des prisons, les enfants à l'hosto, le sort de telle espèce végétale... J'adore les bestioles mais ça ne m'empêche pas de penser que des prisons décentes avec des conditions de vie égalitaires devrait être la norme dans un état comme le nôtre. Cette pub est un peu culpabilisante mais si la démarche permet à certains de se poser des questions, elle est intéressante...
je connais ton amour des animaux, allienora, et je t'assure donc qu'il n'y a pas de manque de respect de ma part mais je ne crois pas qu'il faille donner à ceux qui nous touchent le plus, sinon, on ne donnerait que pour les causes "faciles" type bébés phoques ou enfants malades.
Je suis choquée que dans notre société, il soit plus facile de rassembler des gens autour d'un chien abandonné sur le bord de la route que des personnes en prison.
parce que c'est un fait, la SPA manque moins d'adhérents que l'OIP.
je ne sais pas,
L'amour, que ne pourrait-on dire la rage, de notre société pour les animaux me laisserait songeur et pourquoi pas amusé, si je n'y voyais l'un des signes de décadence d'une pensée apolitique qui trouve refuge dans les apories d'un langage "animal" qu'il faudrait mettre au même niveau que celui des hommes.
Pensée apolitique, l'amour des animaux ? Même pas. Il s'agit bien là d'une dérive misanthropique dont je ne suis pas sûr qu'il ne faille pas y voir la porte ouvert à toutes les horreurs. Ce qu'on peut appeler l'avatar brun d'un écologisme malthusien. Mais sur ce point, A. Glucksmann a depuis longtemps écrit des pages imparables...