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Rentrée

Je me souviens très bien de ce jour-là.

 

Il me semble que la composition des classes, affichée avec un peu d'avance, m'avait permis de voir qu'il y aurait dans ma classe une des filles de l'an dernier. Mais bon, dans l'ensemble, je n'allais connaître personne parce que je venais d'une toute petite école : 1 classe de 9 élèves au départ du CM2 pour 5 classes de 28 éléves à la rentrée suivante.
 
Je n'ai pas de souvenir de mon cartable. Ni de ma tenue. Probablement une jupe pour avoir l'air jolie ? En tout cas j'ai été soulagée de constater que sous le préau, il n'y avait pas encore les grands. Les petits de 6ème rentraient toujours la veille des autres.
Au début, j'ai eu du mal à m'organiser avec l'emploi du temps, retenir quel cours à quelle heure. Alors je suivais le mouvement. Assez vite, j'étais comme un poisson dans l'eau, j'adorai naviguer entre les classes et au milieu de ces nouvelles matières, sauf en dessin où j'étais vraiment peu douée...

 

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crédit photo ici

 

Il paraît que j'étais infernale, invivable, en pleine crise d'ado. Pour être honnête, je n'en ai jamais eu l'impression, pourtant. Même avec le recul de ma conscience d'adulte, je ne voyais pas : aucune fugue, quasi jamais de mensonges, des bonnes voire très bonnes notes, pas de cigarette, pas d'alcool, pas de drogue, pas de petit copain, des copines, tout plein, du bouquinage... Souvent de la télé, chambre un peu bordélique c'est vrai, mais je me pliais aux tâches qu'on m'imposait.

 

Et puis j'ai fini par comprendre combien l'année de 6ème a dû être difficile à vivre pour mes parents le jour où j'ai constaté comment fonctionnait la fille aînée de Chérie. On est pareilles toutes les deux, on regarde le monde et les gens de la même façon, on a vraiment une connexion, c'en est délirant.

 

Elle regarde les gens d'un air de pas comprendre, tire ses propres conclusions des ordres qui lui sont donnés, accepte lorsqu'elle le décide de partager une micro partie de son quotidien avec nous, semble ailleurs la plupart du temps et s'indigne régulièrement de l'injustice de sa condition.
Je suis assez persuadée que comme moi à l'époque, elle se dit régulièrement que les adultes sont définitivemnt crétins. Non pas qu'ils ne comprennent rien, plutôt qu'ils aient une déficience intellectuelle leur rendant la compréhension du monde plus difficile qu'à moi.

Elle aime son frère par dessus tout, part dans des délires complets avec lui, le défend bec et ongles et la seconde d'après le houspille et l'envoie bouler. Elle est évidemment persuadée qu'on lui en demande bien plus qu'à son frère, qu'on le préfère à elle et que ses parents ne l'aiment pas vraiment, au fond, vu le nombre d'engueulades totalement injustifiées qu'elle doit subir. Après tout elle a de bonnes notes, est sage à l'école et ne crée pas de problèmes...

 

 

C'est un peu beaucoup moi que je regarde en l'observant grandir. Et ça me fait très bizarre. Ca m'émeut beaucoup aussi, parce que je l'aime énormément mais pas seulement. Aussi à cause de cette mise en abîme.



 

Commentaires

  • Touchée...

    C'est vrai qu'elle est ainsi. "accepte lorsqu'elle le décide de partager une micro partie de son quotidien avec nous, semble ailleurs la plupart du temps et s'indigne régulièrement de l'injustice de sa condition."

    Ma fille je l'aime et elle me fascine, et c'est vrai que si tu n'étais pas là, il serait probable que je la comprendrais de moins en moins.

    C'est le second texte qui existe sur elle. J'aime bien cette idée.

    Et surtout j'aime que tu sois près d'elle pour la comprendre.

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