On est abreuvé d'affiches et de demandes de dons aussi. En général donc, j'avance en pilote automatique et ne remarque rien. Mais là quand même, le slogan me gifle. La comparaison de cet homme à un chien me paraît vraiment insolente. Pas insultante, parce que je ne ressens pas de mépris vis-à-vis du détenu, mais très violente.
Si j'entends bien que les gens ont voulu nous dire « vous donnez une tonne à la SPA pourquoi est-ce que ça ne vous choque même pas que des hommes soient incarcérés dans des conditions humiliantes ? » je me dis immédiatement que tout le monde n'aura pas le même recul. Et un graffiti posé là le lendemain me donne raison : « je trouve scandaleux qu'on compare un prisonnier à un animal. » Voila. Une fois de plus, on atteint les limites d'une communication trop directe dans une société où le bien-pensant est roi et où même les causes à défendre doivent dégouliner de bons sentiments, de barbapapa et de guimauve. Mais qui a volé le second degré et le recul, le sens de l'humour et l'intelligence ?
Sur moi, ça a marché en tout cas. Je suis mal à l'aise chaque fois que je passe devant l'affiche et surtout, je continue à y penser même après. Peut-être parce que c'est moi la cible et que ce mode de pensée est aussi le mien. Je suis effectivement choquée à l'idée que la cause des bébés phoques et de la chasse à la palombe émeuve plus que le sort des hommes. Mais je ne suis pas étonnée : c'est tellement plus facile de donner un os à un chien que d'affronter le regard de cet homme, symbole douloureux de l'échec de la société dans laquelle nous évoluons.
Cette note est un extrait d'un point de vue collectif. Pour connaître les autres, c'est LA.