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  • La rentrée

     
     
    Je ne me souviens pas si je portais des habits neufs pour la rentrée parce que les jours qui précédaient me sont très flous mais je crois que je prenais soin de remplir mon cartable avec des stylos neufs et de bien ranger mon cahier de brouillon tout lisse entre mon double décimètre et mon cahier de texte ou mon agenda. Les années où mon cartable crissait trop, je jouais des minutes entières avec la fermeture pour lui permettre de s'assouplir. Je n'ai jamais aimé les choses neuves, j'aime mieux la forme de l'habitude qu'elles prennent à l'usage -à mon usage s'entend...
     

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    photo de clarapeix

     
    Le premier jour, j'avais toujours cette sensation d'excitation accrochée à mon estomac, pas comme une douleur mais comme un poing à l'intérieur de mon torse qui serrerait doucement, réduisant sa taille. J'étais souvent un peu essoufflée, comme je le suis encore aujourd'hui à chaque événement un peu hors de l'habitude. Et puis hilare aussi. Oui, la rentrée ça m'a toujours rendue pleine de joie, même celles qui représentaient des moments de trouille horrible restaient remplies de sourire. Ce n'est de toute façon pas le premier jour que je suis dans la panique mais les suivants, ceux lors desquels je sais que je suis en route vers la galère. Au début j'ai toujours cet optimisme délirant, cette inconscience souriante qui me portent avec un sourire niais... Les jours de rentrée n'y ont jamais fait exception. Même la 6eme ou le lycée n'ont pas suffi à le changer.
     
    J'arrivais donc sur mon lieu d'enseignement guillerette et prête à encaisser les nouvelles du jour. Quand j'étais "nouvelle" je faisais en sorte d'entrer dans les derniers pour m'asseoir à une table de deux déjà occupée et tenter d'engager le dialogue. Sinon c'est simple, je n'aurais jamais parlé à personne... Le reste du temps, j'avais donné rendez-vous à mes copines dans la cour donc je connaissais l'identité de ma future voisine. Mais j'étais quand même excitée/impatiente.
     
    Aujourd'hui je vis encore des rentrées très souvent. 
    En incorrigible optimiste, je me dis chaque fois que la semaine est neuve, que des choses belles et agréables vont venir remplacer les éventuelles contrariétés de la semaine précédente. 
     
    Comme j'ai une vraie facilité de déconnexion un simple week-end de trois jours me donne une impression de coupure avec le travail. Chaque lundi est donc une mini-rentrée, chaque retour de vacances évidemment, et pas seulement quand je suis partie 3 semaines au bout du monde. 
     
    Les jours de retour, je suis réveillée un peu avant l'heure, j'envisage semi-éveillée les jours à venir. Quand j'arrive au bureau, j'ai toujours la petite sensation d'appréhension, le serrement d'anticipation de l'estomac, qui m'accompagne quand je traverse le hall de l'immeuble.
     
  • Dernières heures


    Sensation étrange de cette envie folle de serrer dans mes bras les gens que j'aime et qui sont à des milliers de kilomètres de moi depuis des jours et des jours mêlée de cette envie non moins viscérale de rester là, loin, sans autre emploi du temps que celui dicté par mon estomac.

    Alors je n'arrive plus à dormir, comme pour mieux profiter des dernières heures.
    Je ne dois rien rater.

    Comme cette averse de neige à 2 heures du matin, qui a glacé nos mains pendant le chemin de rentrée à pieds. Impression d'iréalité sous le parapluie, trio improbable marchant au pays des voitures. La veille, je faisais la sieste dans l'herbe, le soleil me faisait meme cadeau de quelques tâches de rousseur complémentaires...

    J'écoute les bruits des dormeurs de la maison, ceux des frigos et canalisations. Je me dis que je veux fixer ce moment quelque part.
    Sa saveur de thé refroidi et de savon, la fraicheur des mes doigts et du bout de mon nez, bien emmitouflés dans la couverture que j'ai trainée hors du lit, l'odeur de sucre sur mes mains.

    J'ai bien chaud mais mes pieds commencent à fraichir eux aussi et ma vessie me rappelle à l'ordre de façon de plus en plus pressante... J'entends que ça bouge dans la chambre.

    Je sais que dans quelques minutes, je vais m'extraire de là, me doucher et terminer ma valise, je retarde un peu ce moment en tapotant sur les touches virtuelles mais sonores de ma tablette.
    Allez, juste quelques minutes encore et je pars me rechauffer et me préparer...

  • Switch off

    Je suis loin.
    Je suis décalée.

    Six mille kilomètres et six heures de décalage horaire me font percevoir de manière distanciée les événements que je lis sur les réseaux sociaux. D toute façon, je ne pourrais pas vraiment y prendre part.

    Parfois, mon téléphone sonne, mais avec le décalage c'est rarement un moment où je puisse répondre. J'écoute donc mes messages avec de nombreuses heures de distance. J'en ai reçu un dimanche bers cinq heures du matin.
    On s'est réveillé tard, tous un peu vaseux de la soirée de la veille. Et puis on a pas mal de route à faire alors je range l'info dans un coin de ma tête pour plus tard.

    Je suis loin.

    Il est trois heures du matin. On vient d'arriver. Encore excités par le trajet et les fous rires de la journée, personne ne peut dormir déjà. J'allume mon ordinateur, je regarde intriguée le statut facebook de la fille d'une amie. "RIP, brother". Encore une dispute avec son frère je suppose... 

    Et puis je me  souviens soudain du message de ce matin sur mon téléphone. Laissé par leur mère.

    La panique s'empare de moi. Il faut que je l'écoute. Maintenant.
    Elle a la voix remplie de ces larmes contenues qui annoncent le pire. Son fils est hospitalisé, il est peu probable qu'il s'en sorte. Elle voulait que je l'apprenne au plus tôt.

    Lorsque j'entends cette voix qui déchire mes entrailles, il est déjà mort.

    Je suis décalée.

    Avec la certitude de la nouvelle atroce, je m'effondre. Je pense que les amis qui l'entourent me prennent pour une cinglée. Je me tiens prostrée sur le canapé, une main sur la bouche et l'autre serrée sur ma poitrine. 
    Il est mort, c'est pas possible. Il avait 12 ans. On ne meurt pas à douze ans.

    Je pleure. Je bégaie. 
    Et puis les larmes refluent, je reprends une activité presque normale.
    Un peu plus silencieuse peut-être. Je préviens ma famille et les gens qui le connaissaient. 

    Dans le lit un peu plus tard, je ne parviens pas à dormir. Ma tristesse est immense, je pense à cet enfant et à sa famille. Les larmes coulent en silence mais sans discontinuer. J'aimerais pouvoir les serrer dans mes bras, leur dire que je pense à eux. Je me contente d'un sms de vingt lignes parce que je n'ose pas appeler.

    Pour la première fois depuis des années, je pleure la mort de quelqu'un. 

    Il est presque cinq heures du matin de mon côté du globe.
    Je suis loin.
    Je suis concernée.

  • Nostalgie bussienne

    Premier voyage dans un mythique greyhound. Le bus est plein, j'ai eu beaucoup de mal à l'avoir parce que je suis aussi désorganisée en vacances que le reste du temps (coucou les impôts, ça va ?) et que donc, je me suis juste trompée de 600 numéros sur l'adresse de la gare de bus.
    Du coup je suis tout à l'avant du bus, assise à côté d'un monsieur qui s'est endormi en lisant un cours de droit administratif canadien et on le comprend.

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    C'est les embouteillages du lundi soir, on avance comme des tortues. Je suis hypnotisée par l'autoroute qui n'a strictement aucun intérêt et soudain, je suis envahie par la nostalgie. Envahie si fort que j'en ai presque les larmes aux yeux. Ma gorge est toute serrée de la tristesse d'avoir quitté ma parenthèse de 3 jours avec Ashton et ses amis.

    A peine 3 jours. Rien au fond. Et pourtant...

    Ces trois derniers jours, même si j'ai un peu pensé à mes obligations bloguesques, même si j'ai envoyé un ou deux SMS en France, j'ai tout oublié de ma vie, enveloppée des attentions et des sourires de trois frenchies en transit de vie à Toronto.

    J'ai été voir un match de hockey, j'ai visité deux (boutiques de) musée, j'ai arpenté les rues où Ashton et Chef usent leurs roues de vélo et leurs semelles en attendant de savoir ce que leur vie sera, j'ai regardé un documentaire sur les cubs, j'ai pleuré de rire devant video gag, j'ai observé Bambi la gracile qui l'air de rien, remet de l'ordre dans les délires des deux mecs de la maison.

    On a dit 30 fois par jour "je sais pas" en réponse aux "où on va, on fait quoi, on mange quand.." mais c'était même pas grave parce qu'on s'en foutait vraiment de ce que seraient les prochaines étapes.

    De l'enthousiasme pour un basket de basket fabriqué avec le valet de la porte et une balle en alu, dollarama, la recherche de la casquette idéale, des discussions sur fond de Sarko un peu, le hamburger qui déchire tout, l'adorable Chef qui s'inquiète parce que j'ai pas encore dej, Bambi qui confie un peu de ses souhaits d'avenir, qui rigole avec moi des "j'aurais dû le savoir" de ma vie passée... 

    Et Ashton, le jumeau astral, une des seules personnes que je serre dans mes bras pour lui dire bonjour. Ses mains affairées sur son bby, son sourire faussement modeste, ses mimiques authentiquement timides, son rire enfantin, ses décisions têtues d'homme qui sait où il va, ses mille cinq cents délires à la minute, la musique toujours là, pas loin...
    Il m'avait manqué, alors que je ne m'en étais même pas aperçu.

    Alors me voila dans un bus, la gorge nouée, en route vers Ottawa, en train de penser à ces trois perchés du 30ème étage.

    Normalement on se voit la semaine prochaine, et aussi excitée que je sois à l'idée des prochains jours avec mon Pexxxxxxxx et son frère, j'ai hâte de les retrouver.

    Merci pour ces jours magiques.