Les gouttes lourdes de trop d'attente tapent fort sur la vitre. L'orage que j'ai dépassé dans le train vient de commencer. Je dévale les escaliers à toute vitesse et me précipite par la fenêtre que je viens d'ouvrir.
La lumière est toute grise mais le ciel est lumineux derrière la couche épaisse de nuages chargés de colère.
Pieds nus sur l'herbe déjà humide. Musique vissée à mes oreilles. Je virevolte. Toute seule sous la pluie.
Ma jupe trop longue vient battre mes mollets quand je sautille et laisse alors entrapercevoir le bout de mes orteils. L'herbe très verte, ma peau très blanche, mes ongles vernis très foncés.
Le fracas du tonnerre et le stroboscope des éclairs viennent rythmer cette piste de danse improvisée. Et je reste là, ondulant, jusqu'à ce que les frissons fassent se dresser tous les poils sur mes bras.
Toutes chair-de-poulée, je me réfugie derrière les vitres. Humide à mon tour, je laisse couler sur mon visage, mon cou puis mes bras nus les dernières gouttes de pluie accrochées à mes cheveux.
En s'évaporant, elles me nimbent de mon odeur. Celle que je dois normalement chercher au creux de mon coude. Celle que je respire parfois dans la moiteur des draps froissés quand j'écoute mon souffle s'apaiser. Celle faite de mon savon, d'huile d'amande, de poussière, de rires, de transpiration...
Je suis là, seule, immobile, tellement consciente de ma propre présence. Je regarde la pluie qui semble ne jamais devoir s'arrêter.
