Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • 5ème printemps

     

     

     

    J'ai commencé ce billet peut-être 30 fois depuis deux ans. Je sais ce que je ressens, je sais ce que je voudrais dire mais chaque fois que je parviens à terminer un texte, j'efface, je jette, je corrige, je mutile... Jamais aucun mot ne parvient à raconter.

    Mais en même temps comment raconter ? Quels mots peuvent décrire la préciosité de cette histoire ? Ils existent, c'est sûr, probablement ne les maîtrisé-je pas suffisamment pour les assembler correctement.

    Comment dire les discussions pendant des heures sur des sujets aussi variés que la peine de mort, ma désirabilité, les impôts locaux, la nécessité de parler à un psy, les cours de maths de 4ème, l'existence de Dieu ?

    Comment expliquer la bienveillance brute et permanente, celle qui fait même parfois pleurer quand elle oblige à cesser de taire les mécanismes de défense innés ?

    Comment décrire les déjeuners en terrasse, le générique de Cold case, le filleul, la confiance, les spectacles de fin d'année, le pédalo, les heures passées silencieuses mais côte à côte ?

    Ne vous y trompez pas, il d'agit d'un être imparfait. Comme moi. Non... beaucoup mieux que moi. Et pour une raison encore incompréhensible à ce jour, jour après jour, malgré mes bêtises, elle me fait une place dans sa vie. On finit par ressembler à un vieux couple je crois et pourtant, il y a toujours cette étincelle des premiers instants. Et aussi un peu la peur que ça se finisse.

    Y a des gens dans ma vie dont je sais viscéralement qu'ils sont devenus une partie de moi. J'imagine une seconde qu'ils pourraient disparaître et mon plexus se serre si fort qu'il me faut reprendre une très grande inspiration pour recommencer à respirer. Elle est de ceux-là.

    Aujourd'hui nous avons cinq ans. Nous sommes millénaires, nous sommes nouveaux-nés.

     

     

  • Pâle Pudong

     

     

     

    Les immeubles sont hauts et les rues très larges, elles ne s'appellent plus rues d'ailleurs, mais 大 quelque chose. Soit grand quelque chose. On n'aura qu'à dire que ce sont des avenues !

    Il fait tout laiteux, le jour sera tombé dans pas longtemps, il tombe très vite, ici, le crépuscule dure à peine un instant. Je viens de renoncer à monter en haut des immenses tours parce que ce ciel ne me permettra pas de voir grand chose. 

    Après tous ces jours passés à l'ouest de la rivière, c'est vraiment comme visiter un autre Shanghaï.

    chine1.jpg


    De ce côté du fleuve, il y a des trottoirs immenses, des gens affairés qui semblent aller vers de grands projets professionnels où la cravate est obligatoire... comme dans tous les quartiers d'affaires du monde. Ici aussi on me regarde bizarrement, mais pas parce que je suis européenne, plutôt parce que je me promène le nez au vent, en chantonnant au son de la musique qui coule dans mes oreilles.

    Je ne marche pas assez vite, je n'ai pas l'air concentrée, je cherche ma route, j'agace les autres, les pressés qui veulent rentrer chez eux, je suis un de ces escargots que je maudis régulièrement sur les trottoirs là-bas, chez moi, à Paris.

    De l'autre côté de la rivière, je suis beaucoup moins perdue, paradoxalement, parce que ça ne ressemble à nulle part ailleurs. C'est très fouillis au contraire de l'atmosphère quasi clinique de Pudong, mais les endroits ne se confondent pas, et puis les tours au loin sont des repères. Mon attention est plus facile à concentrer sur mon objectif de balade. Ici, les tours ne m'aident pas, je suis au milieu d'elles, elles sont partout, elles se cachent mutuellement. Ici, je me sens comme en terre connue où tous les repères auraient été brouillés. Je refais 2 fois la même rue sans m'en apercevoir, je ne trouve pas les embranchements, je me fatigue à chercher le métro qui me ramène vers la maison, il est pas loin, le plan me le dit, mais je ne vois rien.

    Je suis là et je suis ailleurs. La même chanson passe en boucle. Je frissonne de l'évaporation de l'eau de pluie qui a mouillé ma robe un peu plus tôt. J'ai mal aux jambes de toutes ces heures de marche accumulées. Je me demande ce qu'on fait ce soir. On est vendredi, on va rencontrer des inconnus, c'est sûr. Et puis demain on part pour 3 jours en vase clos, et si c'était ingérable ? J'ai la trouille d'avance, de ce soir, de demain, de la semaine prochaine, du retour... Mes pensées m'ont un peu trop échappé, je m'agace, il faut que je trouve mon chemin et il faut que je change de chanson.

    Ah, tiens, justement, le voila, le métro que je cherchais depuis une demi-heure.

     


     

  • (se) Rencontre(r)

    Le jour où il l'a rencontrée, il avait déjà entendu parler d'elle des dizaines de fois, il savait son existence depuis plusieurs années. Ils s'étaient loupés plusieurs fois déjà. L'amie prodigue, la fille géniale, celle dont tout le monde a l'air de penser du bien et avec qui tous ses potes avaient vécu tant de moment merveilleux. Il n'était pas jaloux, non, ce serait exagéré... un peu agacé de son omniprésence peut-être, et encore.

    À cette soirée de rencontre, il était arrivé parmi la deuxième vague d'invités. Ceux qui ne s'embarrassent jamais vraiment de l'heure d'accueil prévue par les hôtes parce qu'ils ne comptent pas partir à 21 heures de toute façon. Et cette fille, debout un verre à la main, écoutait en souriant un groupe de potes. Il avait deviné qui elle était : c'était la seule inconnue de la soirée.

    "Yes, Tom. Enfin là. Viens, faut que je te présente..."
    Bonsoir, hello, ravi, enchantée, sourire, reprenons la discussion. Pas grand chose de délirant. Plutôt jolie quand même. Et en insistant, drôle et intéressante. Un quart d'heure plus tard, ils rigolaient de broutilles, une demi-heure de plus et elle lui racontait la fois où elle avait tenté le parapente mais était restée sur la falaise, pleurant de trouille. Il avait compris pourquoi tous lui prêtaient une telle aura.

    Puis son amoureuse était arrivée, elle rentrait d'un déplacement en Espagne alors ils avaient passé un peu de temps tous les deux à se raconter leur semaine. Elle était retournée papoter de son côté. Et il avait fini sa soirée comme toutes les autres, à boire et refaire le monde avec les potes et avec cette nouvelle membre du groupe aussi, du coup.
    Et ils ne s'étaient plus croisés avant des mois mais au moins il pouvait, lui aussi, expliquer combien cette fille était drôle et sympa et tu te souviens de la soirée où... ?

    La deuxième fois qu'ils s'étaient vus, elle était folle amoureuse du beau gosse qui l'accompagnait. On prend des nouvelles, on s'étonne de pas se croiser plus souvent vu le nombre d'amis communs (elle est décidément toujours aussi jolie...) et on fait une place au nouveau, hyper sympa. À ce rythme, ça va finir par être indécent, cette vie parfaite.

    Comme la fois précédente, il ne l'a pas revue avant des mois. Comme la fois précédente, il a quand même glané toutes les info la concernant qu'il a pu. Cette fois-ci au moins, il ne se sentait plus coupable vis-à-vis de son amoureuse, elle l'avait quitté.

    La fois suivante, il a passé la soirée à se marrer avec elle et son beau gosse. Quand ils se sont dit au revoir, ils se sont promis de se voir plus souvent. Comme la fois précédente. Sauf que -comme la fois précédente- ça paraissait peu faisable.
    À l'époque, l'ex de Tom avait refusé net de l'inclure dans les boucles de mails de soirée, verte de jalousie devant cette fille drôle et jolie et que tous aimaient... Et maintenant il allait devoir trouver des stratagèmes, parce que s'il leur proposait un truc, il allait vite avoir l'air de tenir la chandelle...

    Et le temps est passé. Et le beau gosse est parti. Et il pouvait désormais l'avouer au moins à lui-même : elle lui plaisait bien, cette fille vue de manière épisodique et fugace. Mais il ne voyait pas trop comment le lui faire comprendre ou faire bouger les choses.

    Alors le temps a continué à filer. Au début, il a tenté tous les prétextes pour la voir. Y en avait pas beaucoup alors il a proposé ses services chaque fois que c'était possible. C'est comme ça qu'il s'était retrouvé un samedi matin à faire les cartons avec elle pendant qu'elle lui racontait ses souvenirs avec le beau gosse. Comme ça aussi qu'il est devenu son confident, ça c'est depuis la fois où il l'a consolée spontanément de sa déception mais où il a compris trop tard que c'était pas d'une copine mais d'un mec qui lui plaisir qu'elle lui parlait...

    Et aujourd'hui ? Aujourd'hui il est devenu sa BFF, il est celui à qui elle raconte ses plans foireux avec les mecs rencontrés dans les bars, à qui elle demande conseil pour sa tenue avant l'entretien d'embauche, avec qui elle occupe ses soirées d'ennui. Il est son doudou.

    Le doudou qu'on aime toujours, même tout usé et mal lavé. Le doudou qu'on traînera partout toujours. Mais le doudou qu'on mettra dans un tiroir chaque fois qu'il y aura un beau gosse à accueillir dans son lit.
    Il est là, il trône à la place d'honneur sur son oreiller, puis sur sa commode puis dans un carton au fond du grenier. Le doudou vivra toutes ses émotions mais par procuration.

    À moins qu'il ne trouve un moyen de devenir le beau gosse qu'on accueille dans son lit...

     

     

  • Vérification du billet de tous les voyageurs

    Des promesses à l'envie
    Acquiescer et sourire
    Ensemble, comme absents mais ensemble
    Feindre l'envie quand tout s'effondre
    Porter les masques chaque seconde


    Armand MELIES - Casino from leneopen on Vimeo.


    Au départ, j'avais envie ou besoin de solitude. Un peu par facilité beaucoup parce que je n'en avais plus eu depuis longtemps.
    Cependant, être seule, au bout du compte ça ne construit pas forcément. Parce que l'échange et le point de vue des autres m'est important. Non que je ne puisse décider seule de mon avenir ou de mon chemin, plutôt que je m'enfermais petit à petit et commençais à avoir peur de me rabougrir dans mon coin. Surtout, je me suis dit soudain que tant qu'à finir vieille fille, autant finir vieille fille entourée d'amis.

    Alors je suis revenue à la vie sociale. De longs et nombreux mois après être partie pour une autre vie, le vide abyssal de mon quotidien m'a giflé. Il fallait agir. Remplir.
    J'ai commencé par inviter parfois une ou deux personnes à dîner à la maison. Pas souvent. Puis j'ai recommencé à rencontrer de nouvelles personnes. J'ai aussi renoué le contact avec d'anciennes personnes, j'ai créé de nouvelles habitudes de vie : les soirées nouvelle star, les apéros avec les voisines, les dîners hebdomadaires en famille, les week-ends ailleurs, les apéros sur le pont ou dans la cave, les piques-niques au parc avec ma toute nouvelle copine et sa tribu d'enfants/copines, les verres avec les amis des amis qui deviennent parfois aussi les miens...

    Mission accomplie. Ma vie était très remplie. Je ne le ressentais pas comme un tourbillon mais plutôt comme un embellissement, un partage de moments. Je redécouvrais la sensation de sortir sans avoir à donner d'explications ni à négocier.
    Sur une semaine, il y avait rarement plus d'un soir que je passais en tête à tête avec moi. Tout était prétexte pour voir du monde. Je ne refusais quasi jamais une invitation impromptue, toujours partante même quand j'étais sensée me reposer un peu.

    Oui mais voila, à trop remplir, est-ce que la quantité ne nuisait pas à la qualité des relations que je nouais ? Et puis avais-je réellement envie de tous les rendez-vous que j'acceptais ? Bien sûr, j'avais baigné dans des semaines de solitude mais est-ce que les moments que je m'accordais n'étaient pas trop rares ? Surtout, surtout, cette agitation permanente ne me permettait-elle pas tout simplement de me cacher ? Faire semblant d'être joyeuse est une seconde nature. Ca va toujours, je suis systématiquement partante, y compris pour faire semblant vis-à-vis de moi. Je suis capable de mentir à une foule entière, étourdie de bêtises et de rires. Et aussi de mentir à moi-même.

    Mais j'ai fini par être rattrapée par cette technique de camouflage. Certains autres d'abord puis moi enfin, avons mis le doigt sur les failles de mon mode de vie. Cesser de rencontrer des gens pour additionner les expériences, profiter de ceux qui sont là réellement et les aimer. Construire du durable sur l'éphémère de nos fous rires. Ancrer ce que je suis dans les moments de joie profonde que m'offrent ceux qui comptent.

    Vous êtes plus nombreux que le jour où je suis revenue à la vie sociale mais vous n'êtes plus pléthoriques. Arrivés en moi hier ou il y a 10 ans, le temps ne fait rien à l'affaire, vous avez tous une place à part, qu'elle soit en cours de construction ou déjà solidement imbriquée à ma propre place dans la vie. Tous.

    A genoux comme jamais, vivre libre et mourir
    Ensemble, exsangues mais ensemble

     

     

     

    IMG_1304.JPG

     

     

    Les épisodes précédents sont là ! on va la finir, cette série...