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Petits (ba)nheurs - Page 3

  • L'odeur de Shanghai



    Ce que j'attendais le plus, c'est de savoir ce que sentiraient mon nez et ma  peau.  (ce que j'attendais le plus, c'est exagéré... Mais quand même c'était très important, si.)

    Alors : Ça sentait la soupe quand l'avion s'est ouvert. À la douane aussi. Et aussi un peu le produit qu'ils vaporisent au pressing pour te dire que c'est un établissement sérieux. 
    Au niveau des bagages, la soupe a laissé la place à l'antimite.

    Et puis plus rien. On marchait dans la rue.
    Ca ne sentait plus rien du tout. Juste l'air chaud et doux.
    Les chatouilles dans le dos parce que le vent secouait mes cheveux, l'osmose de température, comme si l'intérieur et l'extérieur avaient fusionné par porosité. Le velours d'Hanoi, en moins herbéluée. 

    Le moment chair de poule, celui où tu te dis que c'est ça, c'est là, c'est. 
    Celui où tu t'inquiète, si tu respirais trop fort, que tout se vaporise. Alors j'ai fermé les yeux l'espace d'un instant, et j'ai soupiré. 

    Et rien n'avait disparu.

    Quasi aucune voiture, peu de piétons, si on ajoute les platanes qui bordent les allées, j'ai pensé que j'arrivais dans une ville paisible. Je croyais que c'était dû au quartier, ce calme. Mais j'ai compris le lendemain que c'était vraiment juste momentané. 

    Je crois qu'en fait, Shanghai avait mis les gens à la porte pour mieux m'accueillir. 

    Et ça a marché.


  • Anticipation


    Des bruits, des odeurs, des saveurs. La lumière si particulière de la terrasse le matin quand elle fume sa cigarette en pianotant sur son ordi et les fous rires lors de la mission barbecue. Se souvenir des moments de grâce de l'été dernier. Savoir que tout ou partie de ces souvenirs sont itératifs. 

    Il y a plein de gros ventres en grossissement autour de moi. Des futurs grands garçons en fabrication pour certains, des inconnus encore dans tous les cas, dont l'arrivée ici me fait sourire d'anticipation : à quoi ressembleront-ils, ces nouveaux êtres ?

    Chaque jour, je rajoute un petit caillou sur l'organisation de mes vacances chez Cendrillon. C'est une grosse mise à l'épreuve de ma capacité à m'organiser parce que je dois lutter contre ma tendance à reporter les démarches administratives. Hier j'ai rempli ma demande de visa, aujourd'hui je vérifie le contenu de ma pharmacie, demain je lirai les guides que j'ai achetés et je réfléchirai au programme. J'ai un petit peur et très hâte en même temps.

    Imaginer la presque rentrée des classes dans quelques mois. Le principal plaisir à l'idée de cette formation, c'est de pouvoir à nouveau très bientôt me sentir à l'école. Pourtant la moitié des matières ont un titre tellement pas glamour que ça donne envie de fuir. Je vais m'acheter un nouveau cahier et des stylos jolis.

    Ils vont bientôt découvrir mon enfance, une bonne partie de ce qui m'a fabriquée. C'est comme le dévoilement d'un morceau supplémentaire de moi, d'une facette linguistique notamment.

    Mettre un terme aux classements et autres actions de désencombrement entamées. Bientôt, un nouveau commencement pour une partie de moi-même.

  • just married

     

    Ca a commencé il y a longtemps mais pas tant que ça, par une anodine phrase m'indiquant que si j'étais d'accord, je serais témoin de la mariée. Souffle coupé et petite voix ravie.

    Ça a continué avec des conciliabules avec les deux autres demoiselles, pour organiser un enterrement de vie de jeune fille à la hauteur.

    Les émotions très fortes ont commencé à la mairie. 

    En les regardant se dire oui, en tournant la tête vers la salle remplie de gens tous si visiblement heureux pour eux et d'être là, en laissant tourner ma tête après une seule coupe de champagne, en sentant ses bras me serrer fort quand elle m'a demandé "tu sais que je t'aime, toi ? " (j'aime les fins de soirée avec elle), en répondant "oui", en espérant qu'elle sait que ça veut dire bien plus. 

    Mariage religieux J-2
    Je suis arrivée plus tôt,  en compagnie du malouin qui me fout la trouille mais un peu moins au fil du temps comme ça on peut aider un peu dans les préparatifs. On rejoint foufou qui a aussi décidé de mettre ses muscles à contribution. Être témoin, c'est aussi du boulot finalement...

    Mariage religieux J-1 
    Apres avoir coupé du ruban et emballé de la lavande, je me suis couchée dans l'herbe un peu humide des averses quotidiennes, je regardais les sommets enneigés en face, j'écoutais papa et maman-libellule discuter avec leur fille des rubans à coudre ou non pour la voiture. Pendant ce temps, maman-berger s'affairait, veillait sur tous, souriait de me voir toujours choisir le même carré d'herbe pour m'installer. 

    Il pleut à torrent, on raconte n'importe quoi au son de l'orage, je drawsomething, j'ai froid, on organise les discours pour le lendemain avec tous les témoins, papa-berger fait le grognon pour le principe, je tente de parler à ces gens que je ne connais pas mais que je vais côtoyer encore deux jours au moins. On rentre dormir, je mouille ma fesse droite dans la voiture inondée, on joue à zigzaguer entre les crapauds, je me brosse les dents au thé vert, je cherche la douche. 

    Une soirée tranquille. Demain, le grand jour.

    08:30
    Lever des habitants de mon chalet. Je pars me noyer sous la douche, je sais que c'est le seul moment de solitude que j'aurai de toute la journée, je fais durer bien plus longtemps que nécessaire. M'appliquant à hydrater chaque centimètre carré de peau. Par contre, je renonce dès le début à faire quelque chose de mes cheveux, ils auront l'air pas coiffés, tant pis.

    10:00
    Je rejoins les chargées de décoration florale, j'ai nommé la maman et les tantes de la mariée. Moyenne d'âge : 70 ans. Taux d'entêtement en présence : bien supérieur au mien. 

    Mon travail va consister à faire 30 aller-retour avec des vases dans les mains et surtout, surtout, à rester dans le timing. Pour ce faire, je dois donc convaincre l'air de rien, approuver mais orienter les idées, canaliser l'énergie collective et ronger mon frein lors du "Ah merci monsieur. Vraiment il faut toujours un homme, les femmes, y a des choses qu'elles sauront jamais faire."

    13:30
    J'ai eu les mains qui tremblaient au moment de commencer la coiffure puis j'ai failli aveugler la mariée en la maquillant. La demoiselle d'honneur dans toute sa splendeur. 

    Enfin, elle a été prête, manquait plus qu'à l'emmener jusqu'au futur-déjà-mari.

    Il m'a fallu reprendre une grande respiration quand le marié s'est retourné, luminescent de bonheur anticipé et de beaugossitude. Idem quand ils se sont aperçus. Le coeur tout serré alors que ça fait que 5 minutes que c'est commencé... (Je sentais bien depuis quelques jours de toute façon que j'allais pas pouvoir accuser le PMS de mon émotivité extrême.) 

    Et puis ce fut notre tour de me préparer. Bébé luciole m'a aidée à enlever ma culotte et à en mettre une assortie à ma robe, miss curly finissait sa manucure de la mort et maman luciole mettait une touche finale à sa coiffure.

    16:00
    L'église, le moment où les vannes ont lâché. Assise toute gênée à côté de maman et papa-berger, j'ai commencé par papillonner des paupières pour chasser les larmes qui menaçaient, puis discrètement essuyé du bout de l'index les gouttes qui refusaient de refluer vraiment, enfin, laissé s'écouler sur mes joues les semaines de stress, de joie, de peines et de magma émotionnel qui venaient de s'écouler. 

    Maman-berger m'a serrée dans ses bras, curly est apparue telle une fée pour faire de même, j'ai timidement embrassé les deux témoins du berger. 

    Voilà.
    Ou presque.

    17:30
    Soleil radieux mais ciel un peu menaçant, en route pour le pré vert qui accueille  le vin d'honneur. J'ai remis mon attelle et enlevé ma veste, bu un peu de champagne, rassemblé les ouailles pour les photos, dit coucou à tous ceux qui venaient d'arriver, souri très grand sur la photo. Et puis j'ai fait une micro sieste forcée sous mon chapeau,  dans l'herbe, face au lac et à la montagne.

    19:00
    En route pour le dîner sous la pluie et les arc-en-ciel, juste quelques "oh que c'est beau là-bas.." et c'est tout.  Moment de grâce et de communion silencieuse dans la voiture avec le malouin qui ne m'oblige jamais à parler. Merci à lui. 

    Pendant que chacun cherche sa table, on finit de rédiger le morceau de discours qu'on a décidé de faire lire aux mariés tout en plaisantant avec les autres qui se moquent légèrement de ce petit coup de désorganisation de dernière minute. 

    Pendant que les premiers plats arrivent, je termine la rédaction de mon propre discours. Je me retrouve avec un gage de mot à caser. J'ai mal au ventre et les mains qui tremblent alors qu'on a refusé de miser sur l'émotion... la zénitude est dans la place.

    Mon discours est passé, je peux aller mettre le souk aux autres tables. De toute façon, à la table des mariés j'aurais pas osé, trop visible...

    Les mariés ont ouvert le bal en catimini. Comme par hasard...

    Je sais pas quelle heure
    La mariée avait trop chaud, j'ai mis mes mains sous sa robe et enfilé son jupon sur ma robe bustier, j'ai l'air d'une folle probablement. Tant pis. Je danse de toute façon comme une cinglée désarticulée et j'ai des pinces à linge dans les cheveux. Lâchons-prise deux heures.

    J'ai même pas mal à la cheville, mystère. 
    Du coup j'accepte une invitation à danser le rock. Et j'en perds mon bustier.

    Petit à petit, les gens s'éclipsent. Il ne reste que les très motivés et les très partis. Même no one is innocent et eminem ne suffisent plus.

    5:00
    Les mariés s'en vont, on rassemble les affaires et on appelle le gardien qui doit fermer la salle. Je suis sobre et épuisée, pas ou plus tellement en phase avec ceux qui sont encore là. Je m'inquiète de ces déglingos qui marchent voire rampent sur la route et traversent n'importe comment. Certains vont se baigner au lever du jour, d'autres refont le monde.

    Je n'ai aucune patience et suis désagréable avec tout le monde. Cette journée finit très bien.

    6:00
    J'écoute les respirations de mes voisins de chambre et aussi le bruit du jour qui est réveillé. J'ai trop chaud mais je ne peux pas me mettre torse nu. Je voudrais m'épuiser les yeux mais je ne peux allumer la lumière.
    Immobile, je ne dors pas.

    Demain, il y a le retour de noces, la ballade sous la pluie diluvienne, la recherche d'une pharmacie de garde inutile, la sieste-lecture et les 21 boules de glace mais pour l'instant mon esprit est vide.

    Demain arrive dans moins de 5 heures. Je serai probablement insupportable et je râlerai dix fois plus que d'habitude mais c'est pas grave, personne ne remarquera. On sera tous encore gavés du bonheur de cette journée.

    Rideau.

    Merci les mariés, merci la famille, merci ceux qui m'ont subie pendant trois jours,  merci tous les autres invités. 
    Je ne sais pas très bien vous raconter sans partir dans tous les sens, j'en suis désolée, le fait juste d'écrire ces mots me serre d'ailleurs la gorge et me fait couler les larmes sur les joues (bon là, c'est le PMS aussi un peu, j'avoue...) mais j'avais envie de laisser une trace, mes mots sur ce moment.

    Merci les mariés. Pour les émotions puissance vingt mille et le partage de vos vies et l'impression rémanente que je suis aimée et fais partie de votre tout si harmonieux.

     

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  • almost happy

     

     

    Le gros ventre abritant le futur fils de catwoman et Lucky Luke.

    Je suis là, dans mon élément, mon autre chez moi. Et elle est là avec moi. J'aime regarder et écouter ses réactions devant ces lieux que j'ai vus dix fois, vingt peut-être. Le chapeau melon, ses sourires, la ballade pas raisonnable mais on s'en fiche, le fish'n chips... Les trois jours avec elle que j'attendais depuis 15 mois. Le week-end que tu mets parfois sur pause pour mieux le savourer.

    Un concours de like entre les photo de la jolie mini-bean et celles de mes lunettes.

    Dormir chez elle pour économiser ma cheville. Me pelotonner sur le côté en sachant que je vais fatalement l'empêcher de dormir, un désagrément que sa profonde générosité a volontairement ignoré. Tout comme elle a ignoré les deux heures d'embouteillages sur le périph pour venir me chercher.

    La longue conversation téléphonique salvatrice. Celle où je suis autorisée à râler sans chercher de solution.

    Ce pays finalement pas très beau, pas au premier regard en tout cas. Mais rempli de ces moments parfaits, ceux dont on ignore même comment ils se produisent. Les chutes fermées, le vieux continent, la sieste dans l'herbe, le match de hockey, le thé montagne bleue qu'on a emporté et qu'on boit en pensant à Henri et à ses amis, lors de sa soirée d'anniversaire, les expatriés connus ou non qui partagent leur Canada.

    Un instant volé aux futurs mariés, enlacés, silencieux, rayonnants de la beauté qu'ils me distribuent sans compter.

    La journée la plus douce du printemps. Celle où on se perd dans les sous-terrains puis dans ses pensées, sur la haute chaise à remplir les dernières cartes postales et lire GQ en grignotant mon muffin, la musique mise plus fort l'air de rien quand je me mets à onduler des épaules, le silence profond de ceux qui ne s'obligent pas à meubler les instants... l'au revoir maladroit de deux timides qui espèrent s'être dit combien c'était chouette, cette découverte de l'autre.

    Le vert tendre des feuilles nouvelles. Le rose fuchsia de ma nouvelle culotte. Le bleu délirant des cocktails de la distillerie.

     

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