Un jour, je suis allée visiter Baltimore. Parce que c'était à moins d'une heure de train et parce que « Hairspray » tout de même…
Pour vous dresser un peu le décor, Baltimore est dans le top 5 des villes où il y a le plus de meurtres et le top 15 des villes les plus dangereuses des États-Unis. C'est aussi une ville hyper dynamique qui, après avoir perdu près d'un tiers de sa population, connaît enfin une augmentation de son nombre d'habitants depuis deux ou trois ans. Ajoutons aussi, parce que ça va être important, que pas moins de 2/3 des Baltimorians sont noirs.
Je me sens généralement très en sécurité quand je ne connais pas un endroit. Limite capable de me promener dans le Bronx à deux heures du matin sans me sentir mal à l'aise. Du coup, la mauvaise réputation de Baltimore ne m'a pas tellement stressée. Je me suis baladée tranquillou, toute seule, un peu partout dans la ville. Ne voyant que le soleil et la mer et toutes ces choses nouvelles à engranger dans ma mémoire.
Et puis soudain, tout ce que je savais de négatif m'est retombé dessus.
Tout d'un coup, j'ai pris conscience du fait que j'étais la seule blanche de toute la rue voire même de tout le quartier. La foule autour de moi n'avait pas le visage (la couleur ?...) habituel. Et aussitôt -au cas où j'en aurais douté une seule seconde- je me suis rendu compte que quand même, tout au fond, j'étais bien raciste.
Parce que ça n'était pas logique, dans mon esprit, d'être en infériorité numérique ; ça ne me semblait pas normal de me sentir l'intruse. En temps normal justement, je suis en position de force, je fais partie de la majorité. Personne ne vient jamais questionner ma légitimité à être là. Ce type de sensation, c'est malheureusement le calvaire que vivent d'autres que moi. Ça n'est pas mon quotidien mais celui des autres.
Mais il y a pire, j'ai surtout pris conscience du fait qu'aussitôt, mon cerveau a fait cet ignoble raccourci : « plein de gens différents de toi = danger pour toi »
Vous voyez un peu la monstruosité de mon cheminement de pensée ?
Moi, la pseudo ouverte d'esprit, moi la soi-disant tolérante… J'ai aussitôt pensé « tire-toi de là, y a un gang qui va te violer dans un parking et te piquer ton passeport puis te jeter dans une poubelle d'une ruelle déserte… »
Je me suis choquée moi-même pour tout vous dire. Parce que je me suis aperçue de tous les préjugés dont j'étais capable. Surtout, je me suis déçue de ne pas être capable de supprimer le racisme jusque dans mon inconscient alors que je pensais que je passais mes journées à tenter de faire preuve de tolérance. Je me suis sentie laide. Pas comme la ville qui, elle, est charmante !
Après coup, j'ai appris que la seule fois de la journée où j'ai vraiment eu la trouille, je me trouvais dans un des quartiers les plus délinquantogènes de la ville ! J'essaie donc de me dire que ce n'est pas que la couleur des gens autour et que l'ambiance devait être pesante. Mais quand même…