Je referme doucement la porte sur eux deux qui s'en vont sans vraiment réagir à ce qu'il se passe.
Il est trop au beau milieu de mon sommeil, je suis réveillée mais pas tout à fait. Etat proche de la stupéfaction, je vais jusqu'à la cuisine boire un truc. Mes soeurs y sont déjà, faisant la même chose.
On parle mais pas trop il me semble, on retourne toutes se coucher. Pas encore dormi assez pour avoir la force de rester debout et puis, qui fait autre chose que se recoucher quand c'est les vacances et que c'est 4h du mat' de toute façon ?
On est donc au lit mais personne ne dort, ni dans ma chambre ni dans celle d'à côté. On se parle pas mais on le sait parce que le bruit des draps qui se froissent, les soupirs de temps en temps, la recherche vaine d'une position confortable.
Je n'ai pas la force de garder les yeux ouverts mais je suis très réveillée. Il fait lourd et moite, je suis torse nu, j'ai encore mon t-shirt à la main, j'avais pas réagi.
Et mon cerveau se met en pilote automatique, comme quasi-toujours : imaginer tous les possibles. Les pires comme les meilleurs, pas de préférence, envisager tous les scénarios qui pourraient se révéler celui réel lorsque le jour sera levé.
D'abord, est-ce qu'il y a un hôpital dans les parages ? Si oui, où ? Combien de temps pour l'atteindre ?
Jamais je ne m'étais posé la question jusque-là.
Il est 4 heures.
Je le sais parce que l'église sonne tous les quarts d'heure, je l'entends. Je ne vais manquer aucune de ses sonneries pendant encore un petit moment.
Toujours personne ne s'est rendormi. Il ne fait pas plus frais non plus.
Je n'en peux plus de réfléchir à toutes ces éventualités. Alors je commence à écrire dans ma tête, comme souvent quand je ne peux rien faire du tout mais que mon esprit refuse de se laisser envahir par des pensées non contrôlées.
L'église continue à sonner.
La respiration à côté a fini par redevenir régulière. 2 toujours en éveil.
Le temps passe.
J'ai toujours mon t-shirt à la main. Je le tiens désormais serré dans mon poing droit. Un peu comme un doudou.
C'est le moment où les plus ataviques des instincts prennent le dessus, j'ai envie de supplier quelqu'un de faire en sorte que tout aille bien. Et aussi celui où je mesure la place béante laissée par mon incroyance. Je suis toute seule. C'est noraml, je ne crois pas que qui ou quoi que ce soit de supérieur soit en mesure de me venir en aide. Je ne peux communiquer, prier, penser à personne dont l'écoute désincarnée et bienveillante pourrait me permettre de m'épancher.
J'attends.
Et le téléphone sonne enfin. Je sursaute, mettant au moins une demi-seconde à comprendre ce qu'il se passe.
Il est 5h59.
Ca va aller. Encore quelques examens et ils reviennent. On peut repartir se coucher.
Je n'ai pas entendu sonner 6h. Trop concentrée sur le moindre de ses mots. Je raccroche.
06:01
Débrief un peu confus.
Dodotime.
Mais évidemment non. Trop de stress accumulé, j'y arrive pas encore.
Alors je fais un petit test de code de la route, on rigole pour des débileries, je regarde la lumière qui s'intensifie dehors sur la montagne. Et je hurle de terreur parce que l'ombre sous le lit vient de se transformer en souris.
C'était bien une ombre. On se moque logiquement de moi.
Je ne sais plus l'heure qu'il est.
Et je m'endors.
Jusqu'à ce que la porte d'entrée se réouvre.