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Blog me tender - Page 5

  • A la maison

     

    Je dis "chez moi" ou "à la maison" très facilement.

     

    A la maison, c'est basiquement là où je dors. Y compris quand c'est le chez moi de quelqu'un d'autre.

    Quand je suis en vacances, l'hôtel est ma maison dès la seconde où j'y dépose mes valises. Si je passe plus d'une nuit chez un ami, on m'entendra facilement dire :
    "zut j'ai oublié ce truc à la maison !
    - Ah bon mais tu l'avais hier ?
    - Non, à la maison, chez toi... dans ma chambre actuelle, quoi."
    Pourtant, je n'investis pas les lieux comme un chez moi. Même quand je m'y sens très bien. Et heureusement pour mes hôtes.

    Evidemment, tous les "à la maison" ne contiennent pas la même intimité. A la maison des autres, je vis pourtant parfois des trucs d'une pureté telle que je les imprime dans le lot des moments à photographier dans ma mémoire.
    Comme la fois où on s'est serrés pour tenir dans le lit, tous les trois en pyjama, à regarder mister Fox.
    Ou quand je suis vautrée sur le canapé berger-libellulesque à grignoter des chips en racontant mes malheurs ou mes bêtises.
    Ou cette soirée ponctuée de conversations de 3 phrases maximum, couchée sur le parquet, assis devant son ordi, à chantonner lenny kravitz et préparer le voyage chez les soldats enterrés.
    Ou quand je me tiens debout dans sa cuisine pendant que réchauffe le poulet au curry et que je lui raconte dans le détail ce week-end qui changera tellement de choses.

    Je dis chez moi aussi pour raconter ce que je vis dans l'appartement dont je suis colocataire. Chez moi, et pas chez nous. Je ne me sens pas du tout insultante envers coloc, c'est chez elle aussi sans effleurement de doute dans mon cerveau, pourtant je dis assez peu "chez nous". Je ne le disais pas même quand je vivais chez mes parents. Comme si je ne faisais jamais partie d'un nous.

    D'ailleurs au final, chez moi, c'est où ? Eh bien... Je ne sais pas. La maison, c'est partout et c'est nulle part. Je n'appartiens à aucun des endroits qui m'abritent. En tout cas, je ne me sens retenue dans aucun de ces lieux.

    Mon cocon, le vrai, celui où je me réfugie quand je vais si mal que personne n'en sait rien, c'est mon lit. Et probablement que ça l'a toujours été. Adolescente puis adulte, j'ai toujours mis dans mon lit des tas de morceaux de ma vie.

    Dans mon lit, il y a mon ordinateur, les ampoules de vitamines, les prises pour tout charger, des livres commencés et ceux pour après, une boîte de mouchoirs, ma crème pour les mains, celle pour les pieds, la lampe de chevet, des chaussettes, le doudou de ma kanoup adorée, mes lunettes, une grue en papier aux couleurs de l'Italie, un sachet de bonbons, 4 oreillers...

    Dans mon lit, le vendredi soir, il y a souvent les restes de toute ma semaine -vieilles tasses de thé, fringues finalement abandonnées, cachets non pris- et le dimanche soir il n'y a que ce qui m'est absolument nécessaire et l'odeur du linge frais.

    Dans mon lit, il y a la trace de gens que j'aime : ceux avec qui j'ai dormi et ceux avec qui je n'ai au contraire surtout pas partagé mes draps ; ceux avec qui j'ai parlé des heures au téléphone et ceux avec qui j'ai envoyé mes mots et mes images par écrans interposés ; ceux dont j'ai rêvé la venue les yeux ouverts et ceux dont j'ai rejoué la venue les yeux fermés...

    Mon lit actuel, je l'ai plusieurs fois changé de place dans la chambre, mais toujours, il y a un petit coin où je peux me pelotonner. Ce lit, c'est mon bateau. J'y pense souvent en ces termes. Petite, j'avais même ce jeu qui consistait à considérer que je ne posais pas le pied au sol le matin, mais sur un petit canot qui me faisait naviguer de pièce et pièce, au mépris des requins et des pirates qui rôdaient. Grande, j'ai eu la chance de dormir dans un lit qui aurait été le bateau idéal s'il n'avait été construit en dur dans une chambre pluri-centenaire en Chine, grand et équipé d'une tablette au milieu du lit, de coins et recoins pour y laisser trainer tout son bazar sans perdre la place pour dormir et tout illuminé de couleurs.

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    Souvent, alors que je suis désormais supposément adulte, je me mets dans ce bateau et je fais bien attention à ne rien laisser dépasser ni tomber par dessus bord. Je m'y sens au-dessus des trucs ingérables qui me poursuivent... alors qu'il ne consiste plus désormais qu'en un matelas posé directement sur le parquet. J'y rêve d'ailleurs, j'y pleure mes déceptions. Il m'accueille pour les trajets entre moi et moi, j'y vogue vers moi plus sereine, c'est là que je suis chez moi. Chez moi et chez personne d'autre.

    Sans aucun doute possible.


  • La première fois

    J'ai les mains qui tremblent un peu. Ce n'est pas réellement ma première fois mais ça fait déjà quelques temps depuis la dernière fois alors je suis en quelque sorte intimidée.

    Hier soir déjà et ce matin encore, j'ai réfléchi 20 minutes à la bonne tenue et aussi au comportement à adopter. Inutile de faire la timorée je n'ai plus douze ans... et en même temps, je me trouve toujours empotée et hésitante au début. Après aussi, en quelque sorte. Mais ça devient un peu plus fluide au moins...

    Quelques instants avant le rendez-vous, j'ai le souffle plus court et le ventre un peu noué. Je me demande si et comment je vais m'en sortir. J'espère aussi que tous les gens autour ne se rendront pas compte, il faut que je me reprenne, que je fasse mine de gérer.

    En même temps que la trouille, il y a le sourire d'anticipation. L'excitation. L'envie. J'ai presque aussi hâte que peur.

    Allez, je suis prête et on m'attend. Aucune raison de repousser plus longtemps. J'y vais.

    Oh la la je ne vais pas y arriver. Je veux faire demi-tour. Je n'aurais jamais dû accepter cette invitation. N'importe quoi.

    Hop.

    Je ne ferme surtout pas les yeux, j'appréhende tout et tous. Je suis prudente. Je ne sais plus comment on fait, c'est la panique. Alors je commence à me parler : dans ma tête d'abord, je me rappelle que je sais faire puis à voix très basse, je m'encourage et enfin à voix haute, je me félicite de m'être lancée.

    Chaque année la même chose puis chaque matin de la semaine ensuite, même si un petit peu moins intensément... La première piste me fiche la trouille, même quand c'est une verte toute facile. Le ski, cet étrange sport que je tente d'apprivoiser depuis quelques années grâce au berger généreux qui m'a ré-entraînée vers la montagne.



  • Des listes

    J'adore les listes, d'un amour immesurable et ridicule. Je liste tout tout tout... tout le temps.

    Par exemple ce que je dois emporter dans ma valise, de la brosse à dents au chargeur de téléphone en passant par la culotte et le passeport.
    Ou les dossiers à traiter la semaine prochaine puis quel jour et aussi quelles actions à quel moment vers qui.
    Je liste aussi les trucs que j'aimerais bien pour la prochaine fois que je serai investie dans une histoire avec quelqu'un comme aimer passer des heures à rien faire au lit ou savoir me faire rire ou aimer des choses que je déteste.
    Et puis... Les invités à Noël, les petits bonheurs, le nombre de cartes postales à envoyer, les idées cadeau, les souhaits pour l'an prochain, les envies de voyages, les sacs à main à garder, les sujets de trucs à bloguer, les morceaux que je veux découvrir à tout prix...

    Mais je ne liste pas les trucs à acheter quand je fais les courses, pas les choses à faire dans mon temps libre, pas les bidules administratifs en cours que je dois gérer...
    Celles-là, ce sont des listes virtuelles, inscrites dans mon cortex en théorie, elles sont souvent approximatives et brouillardeuses en pratique.
    Elles sont toutes commencées, avec des items rayés ou semi-rayés ou en cours de rayure ou bientôt rayés.

    Parce que le souci, c'est que ce que j'aime avec les listes, ce n'est pas l'impression d'être organisée ni le bonheur de voir les tâches disparaître au fur et à mesure de mon action. Je contemple ces listes sans qu'aucune motivation particulière ne m'envahisse. Le plaisir réside intégralement dans la contemplation de cet ensemble fini.

    Je fais juste comme si j'allais pouvoir en traiter les composantes mais je sais très bien que pas du tout. Et au fond, ça m'est parfaitement égal. Après tout qu'importe la fin, ce qui est rigolo et constructif, ce sont les moyens mis pour y parvenir ou échouer.
    Pour moi, ça ressemble tout bêtement au processus de la vie.

    Alors... je continue à lister ces tâches qui remplissent mon cerveau.
    Mon cerveau fait semblant d'être une éponge alors qu'il n'est qu'un puits sans fond.
    Et mes tripes arrivent désormais à relativiser : tous mes manquements ne sont pas des fautes passibles de la peine de mort, toutes mes imperfections ne sont pas censées être corrigées pour atteindre une perfection que personne d'autre qui compte n'attend de moi.

    Alors... je continue à profiter de ce petit plaisir simple des listes pour tout et n'importe quoi.

  • La derniere chanson

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    Quand la chanson commence, je suis sur le bateau qui me ramène à Singapour après 3 jours de plages paradisiaques. Je termine trois semaines de vacances en Asie du Sud est.

    Cet endroit sale, moite et sous-développé où je n'ai jamais eu envie d'aller. Seulement, les problèmes de riches c'est parfois être célibataire, travailler comme une damnée, avoir encore 5 semaines de congés à poser sur un trimestre... et pas vouloir claquer 8.000 euros dans un voyage solo en occident. Ce sera donc l'Asie en semi-groupe / semi-solo. Sans conviction.

    Quand la chanson commence, je ne sais pas encore que c'est la dernière de la playlist de 50 heures qui m'a été concoctée spécialement pour que je me sente accompagnée tout le voyage.

    Au début, elle m'a vraiment servi de béquille, cette playlist. Dès l'avion. Avec ces 18h de voyage. Je me sentais perdue, seule, bousculée. Le Vietnam au bout du chemin avec comme unique point de désir la baie d'Ha Long. Le reste était brouillard et indifférence. Tout ce que je voulais, c'était oublier le boulot (raté) et tenir le choc seule au milieu des 10 inconnus qui composaient le groupe des deux semaines à venir. Pensée positive chevillée aux gènes, je me disais qu'au pire, j'avais des livres et de la musique.

    Quand la chanson commence, je sors de la torpeur semi-hypnotique dans laquelle les derniers jours en total solitaire m'ont mise. Ces sonorités brésiliennes, c'est normalement tout ce que je zappe directement...

    Un peu comme l'Asie en fait. Aucune envie de ce truc qui m'est quasi-imposé. Et puis ce non-choix s'était révélé quasi instantanément une bénédiction. Aucune sensation de familiarité avec les lieux, la culture ou les gens. A aucun moment. Pourtant, le Vietnam a encré des milliers de mes cellules cognitives avec une évidence spontanée. Et pas toujours dans ses aspects les plus attendus, même si la magie des images d'Epinal fait aussi son effet. Ce sont les goûts, les odeurs, les sensations de moiteur et la gorge qui se serre en voyant les rizières.

     

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    Quand la chanson commence, franchement, je suis presque cafardeuse de solitude alors je vais pas m'obliger à écouter cette chanson brésilienne. Et en même temps, on dirait qu'elle a été écrite pour ce moment. Alors je regarde l'écran de mon iPod pour savoir ce que c'est. C'est là que je constate que c'est la dernière chanson.

     

    Quelle bizarrerie, à ce moment précis, à la toute fin de mes trois semaines de vacances, se termine la playlist qui a accompagné mes endormissements en milieu hostile, mes heures de bus cahotantes. La dernière chanson de la liste. Immédiatement, mon esprit tortueux fait la boucle et me fais revoir tout ce voyage que je n'avais pas souhaité. J'ai hâte de rentrer et de retrouver tous les miens au point d'en pleurer, mais j'ai déjà un sourire tout doux en repensant à certains moments. Et la chanson me plaît bien, en fait. Je l'écoute jusqu'au bout. Comme ce voyage.

     

    Alors ce soir, quand la chanson qui ne quitte plus jamais mon iPod a commencé, j'ai comme chaque fois revu avec précision l'eau et le port et le bateau où je me trouvais quand nous nous sommes rencontrées. Et je me suis souvenue des rizières, de la lumière, de la douceur veloutée de l'air lourd... je me suis appuyée encore une fois sur la force que j'ai puisé dans ce voyage depuis. Et j'ai savouré ces notes qui sont un réconfort automatique, elles m'enveloppent dans le petit bonheur.

    La dernière chanson, celle que j'aurais bien zappée, elle me rappelle chaque fois combien je suis faible sans vous mais que je suis forte grâce à tout ce que vous me donnez que je n'aurais jamais découvert mais aussi grâce moi et à mon envie de trouver le positif même dans ce dont je n'ai pas envie.

    La dernière chanson, elle symbolise la fin de la fuite, le début du voyage vers moi.