Londres. Maman. Mes sœurs.
Trois fois par an, on se parle. Chaque fois, on se dit sans le dire combien on compte, par le biais d'anecdotes, de détails futiles du quotidien et de sincères encouragements et marques de confiance.
La manucure au bureau.
Je l'observe, minuscule et chevelue, et parfois, spontanément, elle me sourit, pas comme un sourire aux anges, comme si elle me reconnaissait. Bien sûr que ce n'est pas le cas, mais comme moi je souris juste en pensant à elle, j'aime imaginer qu'elle fait pareil.
La sonnette de la porte d'entrée pour moi alors que je ne suis pas chez moi.
Regarder Arthur à la télé sur mon canapé, la tête un peu intriguée par ce qu'il se passe à quelques numéros de là. Espérer que tout se passe bien en profitant de la pizza et des macarons, chacune sous un plaid et devant son propre écran. Comme d'hab, juste sur un canapé différent.
Le simple fait que my twin existe.
Comme chaque fois, je suis à la fois impatiente et intimidée à l'idée de la voir. Ils m'attendent chez eux, le train est un peu en retard, ça m'inquiète. Et pourtant, une bouteille de champagne plus tard, on est tranquillement en train de lister nos villes de France préférées en grignotant du fromage et de la pâte de coing maison.
Bientôt la piscine sur le toit.
J'ai enfin trouvé le chemin vers l'auto-protection, celui qui me permet de cesser de me torturer quand je dois choisir entre me préserver d'une situation qui me rend malade et ma compassion naturelle pour mon entourage. Je crois que petit à petit, je deviens aussi importante à mes yeux que les autres.
Le Madidon Square Garden. Enfin.
Cette sensation tenace d'avoir enfin renoué avec les Noëls que j'aime. Ceux avec des grognons, trop à manger, des fois rires, de la complicité, des tantes en froid, des traditions maintenues, un oncle alcoolisé, des nouveaux à table, des parties de mime, de l'amour, des chants de Noël toute la journée.
Les fous rires qui reviennent peu à peu.
Blog me tender - Page 6
-
Sourires intérieurs
-
Up and down ... And up !
Je souris niaisement sur le quai, j'ai les larmes aux yeux parce que je sais, je SAIS que je suis à ma place. Là. Tout de suite. Je suis au bon endroit, je vais dans la bonne direction.
Et je le note immédiatement dans mon téléphone, pour pouvoir me souvenir, dans une semaine, dans un mois, de ce sentiment de plénitude et de sens à ma vie. Je sais déjà que je fais bien de le noter, parce que après tout ce temps passé à me fréquenter, je commence à me connaître. La trouille va me rattraper.
Oui, la trouille, celle qui ne me quitte que très brièvement depuis des années désormais : celle de ne jamais appartenir à aucun endroit, à aucun groupe, à aucun projet.
Je me sens en transit de tout, partout, de tous. Comme si je ne pouvais rien inscrire dans la durée de moi dans la durée. Cette sensation est probablement liée au fait que je parcellise presque tout, pour n'user personne. Comme une femme de l'ancien temps, j'ai l'impression que la seule personne à qui l'on puisse imposer l'intégralité de ce que l'on est est celui ou celle qui partage sa vie, parce que c'est réciproque.
Mais aussi parce que j'ai envie de ne pas étaler aux quatre vents ce que je suis, ce que je vis. J'en ai encore fait l'expérience il y a peu, raconter de moi aux gens, c'est prendre le risque d'être interrogée par des potes sur des détails de ma vie que je croyais confinés dans un cercle de proches. Erreur. Pile au moment où je me débarrassais de mes habitudes de psychopathe du secret.
Cette sensation est aussi accrochée à la pression sociale dont je suis incapable de me détacher. Attention, on ne me harcèle pas chaque jour ! Mais inconsciemment, j'ai fait miens les étonnements de ceux qui me regardent investir ma vie professionnelle alors que l'horloge biologique fait un raffut insupportable, j'ai intériorisé les questionnements sur mes palpitations amoureuses poches du néant -je me regarde claquer au nez des portes dès que je les vois qui s'entrouvrent à peine voire même rester ignorante des fenêtres béantes sur les désirs de l'autre, je prends au vol les remarques sur mes tenues inadaptées à mon âge et mon métier.
Je fais bonne figure, je souris, je fais comme si.
Je suis tout sauf grise, tout sauf tiède, tout sauf indifférente.
Je hurle parfois d'amour à l'intérieur, je casse de stylos de colère sur mon bureau, je sanglote de peine quand mes proches souffrent.
Ma vie est tout sauf linéaire, tout sauf tiède, tout sauf vide.
Je vibre d'un rien, je donne rendez-vous à des inconnus en terre inconnue, j'apprends des milliards de nouvelles choses chaque année.
Au fond, je suis à ma place. Aucune des vies qui m'entourent ne se ressemblent, pourquoi la mienne devrait-elle ressembler au schéma que ma famille avait imaginé pour moi ?
Pour aucune raison si je me débarrasse de ces réflexes et de ces rêves qui ne sont pas miens.
Je ne suis pas propriétaire.
Je suis souvent insupportable de mauvaise humeur et de mauvaise foi.
Je ne fais pas d'économies, je claque tout en billets d'avion.
Je n'ai pas de famille telle que le code civil l'envisage.
J'écoute la même musique que les ado.
Je suis beaucoup trop investie au boulot pour le bien de ma santé physique et mentale.
Je suis incapable de trouver un week-end dispo moins de 3 mois à l'avance.
Sauf que ça me convient, en fait.
Alors ce soir, quand je suis sortie du métro après à peine 2 des 30 stations de métro qui jalonnent mon retour pour mieux exorciser mon stress et ma peur dans la marche et les larmes, j'ai ouvert la note dans mon téléphone et j'ai relu mon premier paragraphe, pour me souvenir de ce jour de parfaite harmonie. Et immédiatement ou presque, ça allait mieux dans mon cerveau.
Ensuite j'ai envoyé un SMS, parce que je voulais qu'on me serre dans les bras. Les mots c'est sympa, les humains c'est tellement, tellement mieux.
-
la place dans mon coeur
Il y a 7 ans ou presque (putain comme ça file) quand je mangeais ma soupe, le nez coulant et éternuant, seule sur mon canapé lit, enroulée dans mes plaids, prise de vertiges...
Il y a 7 ans ou presque (putain comme ça file) quand je rentrais chez moi très tard le soir, seule, un peu éméchée, à pieds...
Il y a presque 7 ans, je me disais qu'en cas de problème, en cas d'urgence extrême, je pouvais compter sur 2 êtres précieux, mon quasi-frère et sa quasi-épouse, ça me rassurait terriblement de savoir qu'ils étaient là. Je savais sans aucun doute possible qu'ils viendraient me chercher, quoi qu'il en coûte. Mon autre pilier vivait (et vit encore) trop loin pour venir en mojns d'une heure trente d'avion.
Il y avait d'autres gens dans le coin mais jamais de la vie des gens que j'aurais appelés à toute heure pour appeler à l'aide. Je regardais ce couple que j'aime et je les admirais beaucoup parce qu'ils sont de ces êtres généreux capables de donner d'eux à beaucoup de gens. Leur présence me rassurait, moi, assez peu entourée finalement malgré les apparences. Et leur mode de fonctionnement me fascinait : comment peut-on aimer autant de gens, leur réserver une place dans sa vie, sans se perdre ni les diluer ?
Et puis la fée ma voisine est arrivée, rapidement inscrite sur la liste des appelables à toute heure. En me forçant à sortir quand je ne m'en sentais ni la force ni l'envie, elle m'a fait construire un entourage nouveau. Elle est entrée et je l'ai aimée. Et j'aimais toujours les autres, ceux d'avant elle. Elle a ouvert la porte -et je ne l'ai pas refermée- à plein d'autres gens.
J'ai découvert cette magie de la place dans le coeur. On a l'impression qu'il est rempli, puis soudain on frappe et miracle, en se serrant un peu... hop... y a la place pour les nouveaux. Je ne sais pas à quelle loi de la physique tient ce miracle : comment puis-je contenir des émotions si fortes pour vous,
Il y a ces gens que j'aime d'un amour du train train quotidien sans que la force de mon attachement ne s'émousse, il y a ceux qui vivent loin et dont la présence me manque presque chaque jour, il y a ceux que j'aime sans besoin de plus que des blagues sur internet ou par sms et une cuite de temps en temps comme celui que j'épouserais sans hésiter s'il aimait les femmes, il y a ceux que j'aime et que je vois de façon épisodique en soirée, en week-end, en vacances, il y a ceux dont la seule évocation me fait sourire comme mon ex collègue de chinois, il y a ceux que j'aime sereinement sans que nulle promesse ne soit nécessaire comme celle que j'admirais en silence il y a 7 ans et qui est mon amie de moules aujourd'hui, il y a ces 6 enfants à la pensée desquels mon coeur se serre d'affection alors que 3 d'entre eux sont trop petits pour savoir s'ils m'aiment ou non, il y a ceux...
Tant de gens à qui je pourrais donner un rein s'ils me le demandaient (faut être le premier à demander par contre, désolée) comme ça, sans déclaration d'amour, sans pathos. Vous êtes tous là, même ceux qui ne me lisez jamais, et je vous aime si fort, si profondément, il y a largement la place dans mon coeur, je le constate souvent avec une évidence émerveillée quand je pense à vous.
Aujourd'hui, je n'ai plus peur de ne pas compter pour mes amis, même quand je suis une goutte dans l'océan de leurs amours, je sais qu'il y a la place dans leur coeur. Je n'ai pas peur non plus de rater des gens ou des histoires, je sais qu'il y a la place dans mon coeur. La place pour toi qui es en train de t'installer, pour toi que je ne connais pas encore, pour toi qui ne le sais pas mais peu importe.
-
Le cowboy
Je suis encore au lit, tu n’es plus là. Je ne t’entends pas vraiment, parce que la maison est immense, le bruit de l’eau ne vient pas jusqu’à moi. Je sais cependant que tu es dans la salle de bain parce que je sais d’où s’échappe la musique à fond. De temps en temps, si je tends l'oreille, il y a ta voix de chanteur sous la douche qui tente de la couvrir. Je traîne encore un peu pendant que tu décides quoi te mettre, comme si j’avais du mal à affronter la journée à venir, à moins que ce ne soit juste la flemme qui m’ait envahie. Je me décide à prendre la place laissée vacante. Tu remets la chanson au début et tu files.
Zéro mot prononcé. Juste les notes de musique. Moi qui fredonne sans connaître. Toi qui chantes faux.
Je n’ai pas apporté grand-chose à part ce qui se trouve toujours dans mon sac à mains. Je n’ai pas de shampoing par exemple, et toi, tu n’as pas de cheveux. Je fouille quand même au cas où. Je me sens un peu intruse, je ne t’ai pas demandé si je pouvais, j’ai juste décidé que oui. Magie, je trouve même de l’après-shampoing. La musique couvre toujours tous les bruits, c’est comme si j’étais seule ici, dans cette maison loin de tout ce que je connais, loin de tout ceux que je connais. Je crois que je reste longtemps sous la douche.
Je prends une serviette propre dans la pile, je la déplie devant moi, immense, mais je ne m’enroule pas dedans, je ne me frictionne pas pour me sécher. Elle pend depuis mes mains posées sous mon menton, devant mon ventre, devant mes jambes, elle ne touche que le haut de mon décolleté et mes orteils. Debout, molle, je m'égoutte, je m'évapore. Je sens la chatouille de chacune des gouttes quand elles glissent jusqu'au sol, je sens la chair de poule là où la peau n'est pas encore sèche. Je porte la serviette à mon visage et j’inspire très fort. Je me sens un peu perdue, rien n’a la bonne odeur, rien n’a MON odeur. Je me regarde dans le miroir, j’ai le regard tout flou, les contours de moi se dissolvent dans la buée.
Mais qu'est-ce que je fais là ? Et qu'est-ce que tu trafiques de ton côté ?