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Blog me tender - Page 7

  • Ca va servir à rien mais fallait que ça sorte !

     

     

    Fait divers : Nous sommes en France. Au 21ème siècle. Une femme marche dans la rue, elle se fait agresser par un sale type qui lui arrache sa jupe et tente de la violer. Elle se défend, dans la lutte elle lui casse le nez d’un coup de coude.

    La loi elle dit tu violes personne. La loi elle dit aussi tu frappes personne. Le pays dans lequel tout ceci se passe a décidé il y a longtemps déjà que la Société se porte mieux quand on confie à quelqu’un d’impartial la punition des gens qui ne respectent pas la loi, c’est donc pas toi qui choisis la punition, c’est l’Etat. Et bon, l’Etat il n’existe pas vraiment, alors il va se faire représenter par le juge.

    Attention, pas de jugement là-dedans, pas de débat. On peut trouver ça complétement con au plus profond de son cœur, cette histoire de juge impartial, de règle qui soit la même pour tous. Comme par exemple je trouve parfaitement con au plus profond de mon cœur de toujours prendre le consommateur pour un enfant de 4 ans affligé d’un handicap mental sévère et les commerçants pour des pervers supérieurement intelligents mentant à leurs clients. Juste, en France, au 21ème siècle, les règles de l’endroit où je vis sont celles-ci. (Parfois je suis pas d’accord, c’est normal, c’est sain, même. Parfois, je suis tellement pas d’accord que je me mobilise pour tenter de changer les choses. Toujours, je me dis que ce qui compte c’est que nous avons tous un socle de très grands principes communs.)

    Evidemment, on ne se contente pas de lister des « tu ne feras point. » on a aussi créé des « tu pourras faire ceci dans certains cas uniquement ». Comme la légitime défense. La légitime défense, ce truc créé il y a fort longtemps pour protéger la victime d’une agression. L’idée était que bon, bien sûr la loi dit que tu dois frapper personne mais on va quand même pas envoyer en prison pour coups et blessures une fille qui a cassé le nez de quelqu’un qui la violait.

    On le sent tout de suite, sous des intentions louables, cette notion de légitime défense est casse-gueule. Où commence le geste réflexe de défense, où commence la vengeance ? Est-ce que je peux tout me permettre sous prétexte que je me fais agresser ? Alors on croit être malin, on tente des garde-fous. On dit par exemple que ce que je fais pour me défendre doit être proportionné à l’attaque que j’ai subie.

    Un exemple au hasard : je ne coupe pas les testicules d’une personne qui a tenté de me piquer mon tube de rouge à lèvres. C’est un peu exagéré. Même si on comprend que je puisse avoir eu peur.

    Parfois -et c’est super triste- quand je me défends, je ne le fais pas exprès, je crée des blessures insoignables à mon agresseur, voire je le tue. (C’est super triste de mon point de vue pour au moins deux raisons, la première est qu’en tant que victime, tu te coltines toute ta vie cet acte que tu as commis, la deuxième est que ça me peine de vivre dans une société où on subit des choses si violentes que la réponse entraîne une infirmité ou une mort.) Dans tous les cas, c’est le juge qui va voir si on peut considérer que la victime n’avait pas le choix, si elle n’a pas exagéré dans son geste de défense. Attends, je crois que je vais même le crier tellement c’est important : DANS TOUS LES CAS, c’est le juge. C’est pas moi, c’est pas le voisin, c’est pas la victime, c’est pas l’agresseur, c’est le juge.

     

    A titre perso, et je juge pas, on peut considérer que tout le monde mérite un arrachage de testicules pour vol de rouge à lèvres. Sauf que voilà, dans le pays où je vis, ben c’est pas tout à fait bien vu… Au plus profond de mon cœur, ça me rassure et me fait espérer que nous allons trouver un moyen de vivre tous ensemble. Il y a des grands principes d’organisation dans mon pays qui me garantissent que n’importe quelle tarée ne peut pas se mettre à couper les couilles de tous ceux qui lui piquent son rouge à lèvres.

     

    Aujourd’hui, j’en vois qui s’insurgent jusqu’à l’apoplexie de ce qu’on soit choqué parce que, quelque part en France, un monsieur en possession d’une arme a abattu des braqueurs qui s’enfuyaient.

    A titre perso, je ne sais pas si je veux que ce bijoutier aille en prison. Je ne sais pas, au plus profond de mon cœur, si je trouve que c’est disproportionné de tuer des gens qui viennent te braquer. Je ne mesure pas la peur, la colère… que ça engendre de se faire braquer.

    Ce que je sais, c’est que j’ai envie de hurler de honte quand je vois des gens que je pensais civilisés tenir des propos qui visent à la réintroduction de la loi du Talion voire même de la justice selon le bon vouloir de chaque victime, sous prétexte d’un fait divers de merde. Un fait divers pas même encore instruit ni jugé, présomption d’innocence je crie ton nom… Tout ça me file la nausée. Je me demande si c’est pas foutu, si je ne dois pas lâcher mon espoir de fillette de vivre ensemble.

    Parce que NON, je ne veux PAS vivre dans un pays où on peut se faire justice soi-même. Dans quelle société de gens hargneux et moches suis-je pour que cette histoire justifie des débats sur l’instauration d’un droit de vie ou de mort de la victime présumée contre ses agresseurs présumés ?

    Peut-être que ce bijoutier va s’en sortir sans aucune condamnation et c’est pas un souci pour moi, c’est le JUGE qui l’aura décidé. Et comme je suis contente de pouvoir laisser cette décision au juge !

     

    Vous ne voulez plus d’un état de droit ? Les Droits de l’Homme c’est tellement surfait ? Les armes ça devrait être dans la poche de chaque personne vivant en France ? Eh bien organisez-vous pour renverser le pouvoir et devenir dictateur, on va gagner du temps.

     

  • L'attentat

     

    Tout le monde semble en parler ces derniers temps et ça tombe bien, il est dans ma PAL.

    Alors j'ouvre et je loupe les stations de métro. C'est beau, c'est fort, ça remue. Je ne raconte rien du tout, pas même le début, sinon ça gâche. Mais il vous faut le contexte : C'est écrit par un Algérien, militaire, qui a pris le nom de sa femme pour pouvoir être publié en évitant la censure et on suit les pensées d'un musulman naturalisé isralélien.

    J'ai commencé à pleurer page 34, j'étais dans le métro. Quelques pages plus tard, je serrais le poing. encore un peu et mon cerveau turbinait pour comprendre, argumenter...

    C'est fort et c'est beau.

    Yasmina Khadra a le don pour décrire le ciel, je trouve.

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    Yasmina Khadra a le don pour faire réfléchir et faire résonner longtemps la réflexion. Il n'y a aucun jugement de personne dans le livre, j'ai accepté que chacun puisse avoir une raison profonde et légitime dans ce combat quotidien : les pacifistes, les kamikazes, l'armée israélienne, la société civile, les résignés, les indifférents, les en colère...

     

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    Calmement, l'auteur a détruit toutes mes certitudes, a secoué ce que je croyais être la "bonne" vision de ce conflit dont j'ignore pourtant presque tout. J'ai fermé le livre et pourtant, j'y pense encore et encore.

    J'avais cessé de lire ces derniers mois, j'ai de la chance, je recommence avec de vrais bijoux !

  • Tourner des Pages

     

    Quand je tourne la page, souvent je me demande ce qui m'attend après. J'aime bien compter les pages qui restent, pour tenter de savoir s'il me encore beaucoup de rebondissements à attendre. Parfois je m'inquiète que tout soit bâclé parce qu'il reste un petit chapitre pour tout dénouer, d'autre fois, je tourne la page un peu désabusée, craignant que rien de bien passionnant ne puisse être espéré au vu de l'ennui qui m'habite depuis le début du roman...

    Pourtant, je tourne la page, toujours. Pour savoir. Je ne sais laisser aucun livre non fini.

     

    Je tourne la page sur mes maux de ventre et les nuits perturbées par le chagrin violent de l'humiliation. Parce que stop, cette partie de notre amitié ne doit pas connaître une péripétie de plus. Le chapitre doit se clore rapidement si on veut garder l'espoir d'un autre chapitre. Je tourne la page, imperturbable et sereine parce que j'ai réfléchi beaucoup sur le message précieux que nos dernières péripéties m'ont adressé : respecte-toi autant que tu voudrais qu'on te respecte, vois ensuite comment gérer avec les autres.

    Je tourne la page après 9 mois d'apprentissage d'une nouvelle écriture, d'une grammaire au concept si différent de mon mode pensée. Le chinois comme une autre langue et aussi comme une autre gestion de la pensée. Quand on doit réfléchir à conceptualiser autrement, on emporte aussi dans son quotidien des habitudes nouvelles. Et comme je tourne la page sur un succès, je sais que le chapitre 2 m'attend à la rentrée.

    Je tourne la page sur tellement tellement d'années de déni de ma capacité à séduire. Ce chapitre-ci, je n'avais pas pensé à en compter les pages, embarquée que j'étais dans la lenteur du récit, juste brinquebalée parfois vers le haut par la jolie vision de mes amis sur moi, des amis que je croyais juste aveuglés par leur bienveillance. Voilà, il est fermé pour de bon, je n'avais rien vu venir alors je me sens encore souvent perdue, j'hésite. Mais c'est bon aussi, ces nouveaux premiers pas ou presque.

    Je tourne la page de mes envies professionnelles, pour en dessiner de nouvelles. Mes espoirs ne sont pas possibles à remplir tout de suite alors je vais tenter du nouveau ailleurs et autrement, je vais réaliser d'autres souhaits que je pensais reporter. Je reprendrai cette histoire-là un peu plus tard, quand elle semblera de nouveau accessible.

    Je tourne la page sur des mois de pointillés, d'aventure, de trouille, de défi, de découverte et d'incompréhensions. Si je tourne consciemment cette page, c'est pour lutter contre ma nature et mieux fermer l'histoire, ne pas la laisser en plan jusqu'au moment où je déciderais de reprendre la lecture. Y parvenir est une fierté. Et puis surprise, il y avait un chapitre bonus, encore plus d'aventures et de péripéties. Un chapitre et peut-être même deux ? Moi qui voulais diminuer un peu le nombre de livres en cours...

    Je tourne la page et je regarde s'éloigner des décennies de dissolution de moi dans les obligations que je m'imposais vis-à-vis des autres. J'ai mis longtemps finalement à exister aussi dans le silence au milieu du groupe, aujourd'hui il me semble possible d'écouter sans participer. Je crois même que je suis bientôt capable de sérénité dans certains chapitres de ma vie. Pourquoi est-ce que je ne donnerais pas une couleur nouvelle au tome prochain après tout ? Un tome dans lequel mon existence individuelle m'autoriserait à ne donner de moi, de mon temps, de mes ressources, qu'aux gens que j'aime.

     

    Au bout du compte, je me rends compte que tourner des pages, ce n'est pas toujours dire au revoir. J'ai eu peur si souvent de turner des pages, alors que la page tournée n'oblige pas toujours à fermer l'histoire, il y a souvent le chapitre d'après voire même un tome supplémentaire. Au contraire, parfois le livre est terminé et c'est parfait, parce que rajouter un chapitre gâcherait tous les autres.

    Au fond, le paradoxe c'est que j'adore les nouvelles, ces aventures resserrées sur moins de pages mais dont la force est parfois justement dans la courteur, il me faut les accepter aussi dans la vie. Certaines aventures sont belles parce qu'elles ne s'inscrivent dans rien d'autre qu'un moment d'exception. Il faut que je tourne la page, que je cesse de laisser tous ces livres en plan à moitié lus avec la promesse d'y revenir plus tard quand je trouverai du temps, de l'envie.

    Soudain, à force de tourner toutes ces pages pendant les semaines qui viennent de s'écouler, je suis tellement plus légère. Tourner la page pour profiter plus simplement de moments de simplicité, sans la ritournelle de questionnements qui m'épuisent l'air de rien. Je peux me réconcilier enfin avec mes tentations contemplatives.

     

    Tu sais, tu me demandais hier, ma vision du bonheur
    Eh bien, chaque jour elle est plus nette, il ne me fera plus peur

     

  • La réconciliation

     
    Je me suis réconciliée avec Marguerite, oui, je peux l'affirmer. En fait, elle m'agaçait depuis si longtemps que j'avais coupé court à toute communication entre nous. Je ne lisais plus rien d'elle, pas même des extraits, ni des articles dans les journaux sur la vie de ctte femme hors du commun. Rien d'elle ne m'intéressait.
     
    On s'était rencontrées l'année du bac, par une analyse de L'Amant de la Chine du nord. On avait décortiqué jusqu'à n'en plus pouvoir le moindre de ses mots. Je me souviens que la seule chose que je retenais de ces heures de lecure et d'analyse était cette sensation d'ennui et de prétention de l'auteur aussi. Comme si rien ne pouvait être simple. Depuis le bac, donc, aucune lecture de Duras. Pourtant, on me disait souvent "mais je t'assure que c'est bien, faut que tu retentes !"
    Et puis on m'a offert un de ses livres. Il y a 7 ans maintenant. Il est resté sans bouger pendant tout ce temps. Enfin, si, il a bougé, il a déménagé 2 fois. Il est resté dans ma bibliothèque. On me disait parfois "oh, tu l'as aussi ? j'ai adoré!"
     
    Un jour enfin, j'ai décidé qu'il fallait que j'ouvre ce livre. Il est tout petit, au pire je passe une heure à m'ennuyer quoi...
    Dix heures et demie du soir en été.
    On est en Espagne déjà ça tombe mal.
    Bref...
     

    DURAS-dix-heures-et-demie.jpg

     
    Deux pages ou peut-être vingt pages plus tard, je ne sais pas, je me rends compte que je suis hypnotisée.
    Le rythme des mots magique. Les phrases complètement inhabituelles. Le travail évident sur toute la strcuture se ressent et pourtant, il ne gâche pas le plaisir de la lecture. J'ai bien senti que je me remplissais de la qualité de ce texte autant que de la magie de la lecture.
    Une fois fini, cette joie d'avoir profité d'une oeuvre et pas seulement d'une histoire...