Quand j'étais petite, je fabriquais des bateaux pirates sur la balancelle du jardin, recouverte de couvertures. J'y attachais des coffres et des valises, je rassemblais quelques livres, je prenais mon goûter et hop, j'embarquais pour des aventures magiques en compagnie de mes sœurs avec qui on passait des aprem entiers à inventer des histoires.
Déjà, quand j'étais une petite minus, je demandais à maman d'étaler de grands draps sur la table du séjour et je vivais sous cette cabane improvisée.
Quand j'étais petite, on me demandait sans cesse si j'avais bronzé sous une passoire et ça me faisait beaucoup de peine.
Quand j'étais petite, je lisais tout ce qui me passait sous la main. Tout. Je lisais tout le temps, les emballages, les pub, les livres empruntés à la bibliothèque, tous les « J'aime lire » chez ma nounou, la série rouge toute belle des histoires d'Arthur et Émilie chez ma copine de CP, les topolino en Italie... Je m'en faisais offrir à Noël et pour mes anniversaires, au grand dam de ma cousine.
Et puis, j'ai été plus si petite, et j'ai pris l'habitude de mettre mon réveil une demi-heure plus tôt pour pouvoir lire un peu avant de partir pour les cours.
Quand j'étais petite, je rêvais de porter des tailleurs dans le boulot que je ferais et aujourd'hui, je me bats pour ne pas le faire.
Quand j'étais petite, j'adorais l'école. Je devais être la seule enfant de France à attendre avec plaisir la rentrée des classes de septembre. Et pas seulement pour les copines. Pour apprendre aussi. J'étais première de la classe assez tranquillement, sans fanfaronnade, juste parce que c'était un plaisir d'être là.
Paradoxalement, je me suis beaucoup ennuyée, alors je parlais en classe. Tous mes bulletins depuis le primaire portent une mention sur mon bavardage... Plus tard, je me suis mise à écrire des nouvelles ou des lettres.
Quand j'étais petite, j'ai passé une journée à l'école en chaussons parce que j'avais pas pensé à mettre mes chaussures.
Quand j'étais petite, j'avais une tonne d'amis. Des filles et des garçons. J'étais invitée à plein d'anniversaires, je parlais à plein de monde pendant les récrés. On faisait comme si on était Wonder Woman ou X Or et on se créait des pouvoirs magiques ou on cuisinait les marrons à l'automne ou les cerises vertes au printemps. Et on se parlait des heures au téléphone.
Et puis le week-end ou les vacances, je passais des journées entières toute seule dans ma chambre, à écouter des cassettes de Wham ! ou à lire des énormes romans. Ou plantée devant la télé à regarder croque vacances ou des VHS de dessins animés comme la Princesse Millenium.
Quand j'étais petite, j'ai tué ma tortue parce que je l'avais posée sur la radiateur pour pas qu'elle ait froid pendant mes vacances.
Quand j'étais petite, je posais ma tête sur le torse de mon père quand les soirées des grands duraient trop longtemps et j'écoutais le soin de sa voix qui résonnait à l'intérieur. Je me souviens avec précision de nombreux détails de mon enfance mais d'aucune de ces conversations. Je perçois juste la sensation un peu magique de mon monde d'enfant rêveuse qui vivait de façon autonome au milieu de leur monde d'adulte...