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Intibacy - Page 5

  • Dilution

     

    Dos vouté qui s'éloigne discrètement sous l'oeil indifférent des passants guettant le feu orange puis rouge. Volutes de soleil couchant dans la poussière de l'air ambiant enfermé. Pressentiment de l'orage salé.

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    Gris fondu au loin, formes indistinctes de pins et de marins. Vent serein qui secoue les voisins. Musique choisie avec soin dans la salle de bain. Shampoing puis crème de soin sur joues mouillées. Sensation salée.

     

    Désespoir que laissent entrevoir les soupirs dont le noir n'est plus le seul tiroir. Miroir qui ne croise plus le regard trouillard des matins de semi-cafard. Grand écart, essai de sourire dans le reflet. Abandon salé.

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  • Switch off

    Je suis loin.
    Je suis décalée.

    Six mille kilomètres et six heures de décalage horaire me font percevoir de manière distanciée les événements que je lis sur les réseaux sociaux. D toute façon, je ne pourrais pas vraiment y prendre part.

    Parfois, mon téléphone sonne, mais avec le décalage c'est rarement un moment où je puisse répondre. J'écoute donc mes messages avec de nombreuses heures de distance. J'en ai reçu un dimanche bers cinq heures du matin.
    On s'est réveillé tard, tous un peu vaseux de la soirée de la veille. Et puis on a pas mal de route à faire alors je range l'info dans un coin de ma tête pour plus tard.

    Je suis loin.

    Il est trois heures du matin. On vient d'arriver. Encore excités par le trajet et les fous rires de la journée, personne ne peut dormir déjà. J'allume mon ordinateur, je regarde intriguée le statut facebook de la fille d'une amie. "RIP, brother". Encore une dispute avec son frère je suppose... 

    Et puis je me  souviens soudain du message de ce matin sur mon téléphone. Laissé par leur mère.

    La panique s'empare de moi. Il faut que je l'écoute. Maintenant.
    Elle a la voix remplie de ces larmes contenues qui annoncent le pire. Son fils est hospitalisé, il est peu probable qu'il s'en sorte. Elle voulait que je l'apprenne au plus tôt.

    Lorsque j'entends cette voix qui déchire mes entrailles, il est déjà mort.

    Je suis décalée.

    Avec la certitude de la nouvelle atroce, je m'effondre. Je pense que les amis qui l'entourent me prennent pour une cinglée. Je me tiens prostrée sur le canapé, une main sur la bouche et l'autre serrée sur ma poitrine. 
    Il est mort, c'est pas possible. Il avait 12 ans. On ne meurt pas à douze ans.

    Je pleure. Je bégaie. 
    Et puis les larmes refluent, je reprends une activité presque normale.
    Un peu plus silencieuse peut-être. Je préviens ma famille et les gens qui le connaissaient. 

    Dans le lit un peu plus tard, je ne parviens pas à dormir. Ma tristesse est immense, je pense à cet enfant et à sa famille. Les larmes coulent en silence mais sans discontinuer. J'aimerais pouvoir les serrer dans mes bras, leur dire que je pense à eux. Je me contente d'un sms de vingt lignes parce que je n'ose pas appeler.

    Pour la première fois depuis des années, je pleure la mort de quelqu'un. 

    Il est presque cinq heures du matin de mon côté du globe.
    Je suis loin.
    Je suis concernée.

  • Un petit moka sans sucre

     

     
    Radiohead - No Surprises par popefucker


    A heart that's full up like a landfill
    A job that slowly kills you
    Bruises that won't heal

     
    Tous les jours à la même heure, tâtonner à la recherche d'un interrupteur, ouvrir les yeux et passer quelques secondes à réfléchir à cette journée qui commence.
    Ne plus jamais utiliser la touche bien connue des procrastineurs, se lever et filer direct sous la douche.
     
    Efficacité et sourire. Tentative désespérée d'oublier que j'aurais dû faire le tri depuis longtemps dans les sensations et sentiments qui jonchent mon cerveau. S'oublier dans le boulot, se dire que tout à l'heure, à la pause-café, il faudra savoir faire bonne figure.
     
    You look so tired and unhappy
    Bring down the government
    They don't
    They don't speak for us

     
    Et tous les jours, pour mieux mener cette lutte vaine vers un avenir meilleur, boucher ses oreilles et son cerveau aux nouvelles. Me focaliser sur mai prochain tout en tentant de ne pas croire trop au changement de peur qu'il n'ait pas lieu. Me persuader que j'aime encore mon pays qui ne croit plus aux droits de l'homme, fuir fuir fuir.
     
    Se boboïser à mort, prendre son café du midi à la brulerie où on peut choisir parmi tout une variété de grains, faire la maligne en commandant un moka ristretto. Un moka, parce que le café me ramènerait à ma condition de lambda.
     
    I'll take a quiet life
    A handshake of carbon monoxide

     
    Respirer à fonds les odeurs de gaz d'échappement sans plus y prêter attention. Ne me rendre compte de la pollution que quand je respire l'air de la montagne qui pique un peu.
    Avoir envie de pleurer ou de laisser crier l'angoisse quand je me rends compte de la proportion de gens qui ne mettent jamais l'environnement non pas au coeur mais même en périphérie de leurs choix de vie.
     
    With no alarms and no surprises
    No alarms and no surprises
    No alarms and no surprises
     
    Être tiraillée entre mon instinct altruiste et mon sentiment d'injustice : pourquoi jouerais-je les Don Quichotte quand les autres avancent vers et pour eux-mêmes ? Pourquoi n’aurais-je pas droit, moi aussi, à un monde sans surprises ?
     
    Silent
    Silent
    This is my final fit
    My final bellyache with
    No alarms and no surprises
    No alarms and no surprises
    No alarms and no surprises please

     
    Choisir l'oubli et le renoncement, même si ça fait mal parfois. Parce que tuer l'instinct, c'est long et compliqué, il revient à la charge, ce fourbe.
    Mais choisir de ravaler tout ça et de vivre dans le silence, dans la bulle coconneuse que crée l’individualisme. Je n’aime plus personne et pas même moi. Et je réfléchis à m’acheter ce nouveau sac à main à 499 euros. Couleur moka plutôt que tabac, c’est plus dans les tons de l’hiver, cette année.
    Acheter le silence de la superficialité.
    Se savoir protégée et hyper privilégiée dans mon monde pourri gâté de cadre supérieure célibataire.
     
    Such a pretty house and such a pretty garden
    No alarms and no surprises
    No alarms and no surprises
    No alarms and no surprises please

     
    Acheter des petits gâteaux pour les déjeuners entre amis du dimanche. Des éclairs, des religieuses et des mokas, bien emballés dans la boite blanche du pâtissier. Se demander si ce n’est pas ça, finalement, le bonheur : une maison avec un petit jardin bien propret comme seul univers, comme un bunker au sein duquel rien ne peut m’atteindre.

    Pas même les discours xénophobes et réducteurs de mes gouvernants qui pourrissent mieux que la « crise » les esprits de mes concitoyens.
     
    Et cesser de rêvasser sur mon bol de thé, enfiler mon manteau et mes chaussures, et partir travailler en sachant que, si, bien sûr que si, la douleur au ventre en pensant à ce que devient mon pays sera encore là aujourd’hui. Et demain. Et après…
     


    Paroles et musique : Radiohead – No surprises


  • Back to Life



    C'est drôle comme on s'illusionne vite. Je suis partie le stress au ventre, pas rassurée, pleine de ma vie de tous les jours. Mais assez vite, je me suis détachée.
    Même si je pensais tous les jours à ceux que j'aime, même s'ils m'ont manqué au point que je sms parfois à certains, même si le boulot a fait quelques incursions bien stressantes dans les vacances, j'étais loin. Pas seulement géographiquement j'entends.

    Et puis deux jours avant le retour, alors que je me remets peu à peu dans le bain, que je lis vraiment mes mails pour la première fois en quelques semaines, je m'aperçois de la profondeur de ma naïveté : à mon retour, rien n'aura changé autour de moi. Ces 3 semaines de parenthèse n'auront évidemment pas transformé mon quotidien... tout sera encore là, les dysfonctionnements ne se réparent pas d'eux-mêmes... 

    Je ne suis toujours pas une épouse mère de 4 enfants vivant dans un pavillon de province dont on respecterait le besoin de calme et la fatigue liée à son investissement émotionnel et physique dans la gestion de sa famille. 
    Non, je suis toujours cette trentenaire célibataire et sans enfant, au boulot prenant et entourée de plein d'amis. La fille disponible et souriante qui va trouver une solution puisque les gens autour ne le font pas.

    Comment espérais-je me leurrer à ce point ? la découverte d'autres cieux, d'autres gens ne change rien. Tout va redevenir comme avant. Non, pas redevenir, être resté.
    Après tout si je n'ai pas changé, pourquoi le reste l'aurait-il ?