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Ba trip - Page 7

  • des pas

     

    Aurélie l'auteur coquelicot, elle m'a permis de me rendre compte que je n'ai jamais partagé ce texte ici avec vous. Il parle pourtant de cette ville si ancrée à ma chair et si loin aussi de moi.

     

     

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    Il faisait toujours nuit à son arrivée. Ou au moins huit mois sur douze. Parce qu'il arrivait toujours le plus tôt possible. Pour le plaisir. Parce que la nuit, tout a l'air plus mystérieux. Il aimait avoir la sensation que les rues lui appartenaient, il jouissait du plaisir de voir les fenêtres s'allumer sur les façades, il imaginait à quoi ressemblaient les vies qui s'éveillaient lentement, il croyait pouvoir partager à distance le petit bonheur de la routine matinale ensommeillée. Il était persuadé que le jour naissant recelait des dizaines d'énigmes, de secrets et de rêves qui ne voulaient pas s'évanouir, il aimait croire que ses pas le menaient malgré lui vers les lieux des plus inextricables intrigues.

    Pourtant, il ne faisait lui-même rien de bien mystérieux à Toulouse : il était étudiant en économie. Et il n'avait même pas cours tous les jours. Mais tant pis. Ou tant mieux. Le temps libre entre ses cours, il l'occupait à déambuler, à découvrir de nouvelles ruelles, à regarder derrière les grands portails des hôtels particuliers si par hasard, une tour, vestige de la gloire capitulaire, ne trônerait pas au milieu de la cour.

    Chaque jour, il prenait le métro et descendait à une station choisie en fonction de son humeur et de l'heure à laquelle aurait lieu son premier cours. En descendant à Patte d'Oie, il pouvait se délecter de la façade de l'Eglise du Sacré Coeur, il en touchait souvent le mur de briques roses derrière lequel se cachait la cour de l'église. Il continuait ensuite jusqu'aux bains douches qui abritaient aujourd'hui un poste de police et un de ces nombreux parkings tenus par Michelange. Il se trouvait alors face à la station de métro Saint Cyprien république. Et là, chaque fois, il hésitait sur la route à suivre : allait-il tourner à gauche vers le pont des catalans ? Les anciens abattoirs désormais musée d'art moderne offraient une très belle perspective mais les allées Charles de Fitte n'étaient pas très glamour.

     

     

     

    Depuis que le pont Saint-Pierre n'était plus suspendu, longer l'hôpital de la Grave lui plaisait beaucoup moins, parce qu'il savait qu'il n'en sentirait plus vibrer le tablier. Sachant que son but était l'ancienne manufacture des tabacs, il savait bien que passer par le Pont Neuf rallongerait beaucoup sa route, cette option ne pouvait être choisie que s'il avait du temps devant lui. Ce détour, il ne le faisait jamais sans un petit pincement au cœur, celui que cause cette émotion indéfinissable, née de l'anticipation du plaisir que l'on va éprouver. Car passer par le Pont Neuf, c'était longer la Garonne par le Quai de la Daurade... Le quai de la Daurade, bordé par la Garonne et les Beaux-Arts, son trottoir parsemé de bancs et de platanes, ses façades de vieux immeubles roses étincelant au soleil levant.

    Quoi qu'il en soit, il lui fallait choisir un chemin puisque qu'il devait traverser la Garonne. Il serrait contre lui ses feuilles de cours et reprenait la marche, savourant par avance sa prochaine pause, celle qui lui permettait de s'abîmer dans la contemplation des eaux trompeuses de la Garonne. Il la regardait du haut du Pont des Catalans, admirant tour à tour le dôme de La Grave ou le flot en partance vers l'Atlantique. S'il passait par le Quai Saint Pierre, il s'arrêtait pour contempler les remous à hauteur du Bazacle, il s'amusait de voir grandir le saule planté là où le canal de Brienne se jetait dans le fleuve. Au printemps, il profitait même des premières lueurs du jour dont les rayons diffus transperçaient à peine la ramée des platanes et il bayait aux corneilles, attendant de voir trottiner les premiers enfants cartablés, en route vers l'école primaire sur la place de la Daurade. Leurs petits pas pressés étaient le signal du départ : il allait être en retard.




    Et il fallait bien entrer dans l'amphi et suivre les cours. En trois ans passés sur les bancs de la fac, il ne s'était pas fait un seul ami. Il n'était pas désagréable, il n'était pas non plus repoussant, c'est juste que parler en cours lui ferait perdre du temps. Ses heures de cours, il les passait à tracer son chemin du retour. Aller vers le centre ville, contourner par les boulevards circulaires ? Se reposer au musée des Augustins, dormir sur les bancs de Saint Sernin ? Il y avait encore tant de lieux dont il ne connaissait pas encore chaque recoin par cœur, il avait envie d'absolu. Il ne pouvait pas repartir de Toulouse en ne la connaissant pas par cœur. Alors il notait sans fin ses impressions, il comparait sa vison du Capitole de jour en Août et celle de nuit en Décembre.

     

    Heureusement pour lui, il vivait seul depuis qu'il était entré à l'Université, il n'avait de ce fait aucun horaire à respecter. Personne ne s'inquiétait de ses errances. Ses parents étaient restés à 300 kilomètres de lui, dans la maison où il avait vécu depuis sa naissance. Un endroit éloigné de tout voisinage, une maison dont les trois occupants vivaient presque en autarcie. On pourrait penser que ce passé expliquait la nature contemplative du marcheur mais ce n'est pas le cas. A l'école, cet étudiant rêveur avait toujours été très volubile, il était plus chef de file que suiveur, toujours à inventer des coups pendables, à faire tourner en bourrique les professeurs et les voisins de classe. Nul doute que ses parents seraient forts étonnés de se rendre compte que leurs pronostics s'avéraient erronés. Ils étaient en effet persuadés que « la ville » était l'endroit idéal pour que leur fils donnent libre cours à sa fantaisie, que le bruit, l'activité incessante toulousaine lui permettrait d'être enfin en phase avec son environnement. Ils ne pouvaient absolument pas s'imaginer ce que leur enfant avait trouvé au milieu du chaos. Peu importe le bruit, les gens, le temps, il marchait. Il découvrait. Il s'émerveillait. Pas d'ennui, pas de dépression, pas de mélancolie. Les gens le croisant le prenaient parfois pour un fou, ce promeneur insensible aux intempéries qui marchait la tête haute, le sourire aux lèvres. Il avait trouvé la plénitude, il savait qui il était et connaissait ses rêves.

     

    Toulouse lui avait porté la paix.

  • En compagnie

     

    Il est des mystères absolus en forme d'évidences. Des gens en l'occurrence. Des compagnons de route.

     

    Parmi les conditions sine qua non de vacances parfaites ou presque, il y a les envies communes. Les émerveillements n'ont pas à être instantanés et concomittants mais il est important que les voyageurs n'aient pas d'envies trop discordantes. J'aime par exemple profiter et m'imprégner d'un lieu avant de m'enfermer dans ses murs. Humer l'air, déambuler. Quand j'ai l'impression que la ville et moi devenons proches, alors je vais dans le détail de ses musées.

    Un autre point important du compagnon de voyage idéal est plus prosaïque mais fort important : la pause-pipi. J'ai une vessie de moineau, du coup, je m'arrête quasi chaque fois que je vois des toilettes, au cas où, par précaution. Et j'ai horreur d'avoir la sensation que je fais attendre les autres pendant que je me repoudre le nez. Idéalement donc, il faut que l'autre s'arrête aussi...

    Faire les boutiques ne doit pas paraître futile, ni une perte de temps. Passer une heure dans une librairie, préférer le détour à l'efficacité. Ne pas s'attarder pour autant sur les endroits qui ne plaisent pas, préférer passer à autre chose que s'obliger à explorer les monuments encensés dans les guides.

    Et puis aussi et presque surtout, j'aime avoir le temps de manger. Découvrir de nouveaux goûts, se nourrir. Pas seulement parce que j'ai faim mais aussi pour le plaisir sensuel d'un des seuls moments du voyage où les 5 cinq sens emmagasinent des souvenirs.

     

    On parle, pas parce qu'on est obligé mais parce qu'on a envie, que c'est le moment. A bâtons rompus ou au contraire par allusions, sans finir la phrase parce qu'on imagine que l'autre aura parfaitement compris quel était le sens de ce début de conversation. Et puis soudain on n'a plus envie, on se tait et l'autre n'en prend pas ombrage, prend tout simplement en compte ce silence et vaque à ses propres pensées. Ce n'est pas un moment vide, ni hostile, ni incompréhensible. Le silence est plein de la richesse de l'autre. On en profite.

     

    La possibilité du silence est peut-être la chose qui compte le plus pour moi. On pourrait croire -j'imagine- que je suis une pie incapable de s'arrêter mais il n'en est rien. Régulièrement, je me tais. Et j'écoute, j'observe. Ou au contraire je m'éclipse, j'entre en moi, je me recroqueville non... je m'étends et m'évapore sur des pensées qui ne sont que miennes. Et les gens qui le savent et le prennent en compte sont rarissimes. (Et je ne les en aime que plus.)

     


     

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    Je suis joie et ravissement d'avoir rencontré dernièrement une de ces parfaites personnes. De celles dont on ne se dit pas une seule fois de toutes les vacances qu'on voudrait un moment seul, à soi. Parce que pas une fois on n'a été envahi par sa présence. Le naturel et l'évidence qui ont guidé mes 10 jours en sa compagnie m'ont permis de me réconcilier un peu avec moi.

     


  • Welcome home / welcome back

    Souvent en rentrant de week-end ou de vacances, seule devant le tapis à bagages de l'aéroport ou remontant le quai vers personne, je me dis que ce doit être bon, d'être attendue. Le décalage est d'autant plus fort que je suis généralement accueillie à l'aller, sur mon lieu de villégiature, même quand je pars seule.

    Et je repense toujours à ce billet, un de ceux qui m'aient le plus parlé à ce jour, où une amie indiquait qu'elle aimerait bien que quelqu'un soit là à son arrivée à la gare. Pour sentir que son absence crée une différence.
    Bref moment de blues qui passe très rapidement grâce à une bousculade dans le métro, une lutte contre les escaliers avec ma valise trop lourde... la prise de plein fouet du retour à la réalité en gros.

    J'y pensais un peu nostalgique et fataliste il y a quelques semaines, par une douce soirée de dimanche où mon avion avait plus d'une heure de retard et où mon appartement vide était la destination de mon voyage. Assise dans le taxi pour une fois silencieux, je regardais rêveusement la Tour Eiffel, signal du retour à la maison.

    Et soudain, j'ai souri.

    En fait si, je suis attendue quand je reviens. Pas sur le quai, pas dans le hall, mais on m'attend.

    Paris m'accueille chaque fois. La Tour Eiffel en est généralement chargée mais parfois ce sont les lions de Denfert Rochereau ou le parvis de la Gare du Nord, le si joli pont d'Austerlitz ou encore les Buttes Chaumont bruissantes. Mais je sais que Paris souris de mon retour, Paris et moi savons que j'appartiens à cette ville et pas une autre. Paris aime que je revienne autant que je suis sereine d'avoir choisi son enceinte pour poser mes premiers pas de vie de femme.

    Il y a aussi mes colocs. Je pense que mon absence ou ma présence font une différence -parfois salutaire bien sûr, vivre ensemble c'est aussi apprécier les moments séparés- et que mon retour peut être source de sourires ravis. Et puis ma voisine que j'aime, qui sera généralement bien moins réservée que moi sur la joie simple des retrouvailles, et mon filleul qui répond à mon "Vous m'avez manqué, mon poussin." par un très joli et spontané "Nous aussi..."

    Selon que je pars 2 jours ou 3 semaines, je suis généralement impatiente de faire un bisou hiiiiii-sant à ma libellule, de savoir si plus si bébé a grandi et dort mieux, si le week-end angevin a rosi les joues de ma famille, si la jolie bague n'a pas perdu de son brillant, si la prom' est pratiquable pour courir malgré la chaleur.

    Je n'énumèrerai pas tout le monde, on n'est pas à la remise des Oscars, ce n'est pas une liste de Prévert, de qui est là qui n'y est pas. Ce que j'ai envie de croire, c'est que finalement, qu'ils vivent à 2 pas ou 800 kilomètres, je suis attendue par tous ceux qui m'ont manqué.

     

    Et quand c'est vous qui partez, sachez que même si je ne suis pas sur le quai, je vous attends. Parce que souvent, je me suis languis de vous.

     

  • Je veux pas y aller.


    Non mais je veux un mot, maman, steup, j'ai trop la trouille.

    D'abord j'ai pas skié depuis 3 ans, je crois que je me souviendrai plus comment on fait. Je veux rester que sur les pistes bleues et je vais ralentir tout le monde.
    En plus, ils sont là-bas depuis 300 ans alors je vais arriver comme un cheveu au milieu de la soupe, je vais les déranger c'est sûr. C'est mieux si j'y vais pas...
    Et surtout, je les connais pas très bien, j'ai jamais vu leur pyjama par exemple. C'est trop affreux, je vais pas pouvoir dormir avec mon doudou étiquettes sinon tout le monde va se moquer de moi.
    Et puis de toute façon, la montagne sera encore là l'an prochain, y a pas urgence...


    J'ai peur c'est horrible.

    Mais en même temps j'ai envie d'y aller.

     

    Alors je me raisonne comme je peux. Quand même, j'ai mal au ventre je dois le dire. Aussi fort que le soir de la première au théâtre avant que le rideau ne s'ouvre...
    Un jour, faudra que je me calme un peu sur la timidité peut-être...