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Blog me tender - Page 14

  • Plagiens

    Chaque fois le même rituel : les serviettes sont étalées soigneusement, nous deux au milieu, un enfant de chaque côté.

    Côté filleul, gros bordel à base de masque, tuba, épuisette, raquettes, tongs et serviette chiffonnée.

    Côté miss ado, affaires bien rassemblées, livre, magazine, téléphone portable et nécessaire à dessin.

    Baignade illico parce qu'il fait trop chaud. On va jusqu'à la bouée et on revient. Puis je joue aux snorkies avec filleul. Crème indice 50 et c'est parti pour lecture ou sudoku en espionnant l'air de rien les voisins.

    À ma gauche, 3 potes, la cinquantaine, comparent les mérites respectifs des divers revendeurs de bécanes de la région. Je crois que l'un d'entre eux va jusqu'à parler de carbu à paillettes ?! Mais ce n'est que le début d'une longue conversation qui va soudain déraper sur... Les camping-cars. "putain, belle bête celui-la, même si ça doit bien pomper !" "t'as vu celui de Gilbert ? Il envoie hein ?"  Comment peut-on se passionner pendant plus d'une heure pour ce sujet ?

    Devant, tout au bord de l'eau, des mamies sont à genoux dans le sable-gravier, elles ont l'air de chercher quelque chose. L'une d'elle a même noué une poche à son maillot de bain, elle y glisse ses trouvailles au fur et à mesure. Elles caquètent des trucs délirants sur les trésors enfouis de la plage et s'extasient du fait que "c'est affolant comme le temps passe vite quand on est en vacances, il est déjà 17 heures 10 bien tapées..."

    Mes préférés restent cette famille de 6 personnes qui arrive à l'heure où la plage est déjà fort clairsemée et qui, pour une raison encore mystérieuse à ce jour, se pose en toute conscience à 30 centimètres de la serviette de miss ado et ajoute pour vraiment nous transmettre sa chaleur humaine, deux serviettes à nos pieds. À leur droite, dix mètres de plage vide... À leur gauche : On est encerclé !  Sans aucune discrétion, on s'étonne de ces gens, incapables de vivre autrement que collés aux autres, qui se ne rendent pas comptent de leur manque de politesse. On va même jusqu'à déplacer nos affaires. Aucune réaction de leur part, pas même un sourire gêné.

    Un peu plus loin, des enfants ont organisé un tournoi de raquettes : deux joueurs. Deux arbitres. Les arbitres tiennent un serviette bien haut en guise de filet et le terrain est délimité par des cailloux. Ça râle et ça fait preuve de mauvaise foi comme en compétition : elle y était là, tu la comptés pas parce que c'est ton copain toute l'année et moi que l'été !

    Filleul a trouvé de nouveaux amis, il pêche des crabes et des moules et plonge au milieu des rochers. Miss ado engloutit son 4ème livre en 5 jours. La déesse est absorbée par les histoires romantiques de Jane Austen fournies par sa liseuse.  Je vais retourner somnoler sous ma capeline jusqu'à l'heure du goûter.

  • Anticipation


    Des bruits, des odeurs, des saveurs. La lumière si particulière de la terrasse le matin quand elle fume sa cigarette en pianotant sur son ordi et les fous rires lors de la mission barbecue. Se souvenir des moments de grâce de l'été dernier. Savoir que tout ou partie de ces souvenirs sont itératifs. 

    Il y a plein de gros ventres en grossissement autour de moi. Des futurs grands garçons en fabrication pour certains, des inconnus encore dans tous les cas, dont l'arrivée ici me fait sourire d'anticipation : à quoi ressembleront-ils, ces nouveaux êtres ?

    Chaque jour, je rajoute un petit caillou sur l'organisation de mes vacances chez Cendrillon. C'est une grosse mise à l'épreuve de ma capacité à m'organiser parce que je dois lutter contre ma tendance à reporter les démarches administratives. Hier j'ai rempli ma demande de visa, aujourd'hui je vérifie le contenu de ma pharmacie, demain je lirai les guides que j'ai achetés et je réfléchirai au programme. J'ai un petit peur et très hâte en même temps.

    Imaginer la presque rentrée des classes dans quelques mois. Le principal plaisir à l'idée de cette formation, c'est de pouvoir à nouveau très bientôt me sentir à l'école. Pourtant la moitié des matières ont un titre tellement pas glamour que ça donne envie de fuir. Je vais m'acheter un nouveau cahier et des stylos jolis.

    Ils vont bientôt découvrir mon enfance, une bonne partie de ce qui m'a fabriquée. C'est comme le dévoilement d'un morceau supplémentaire de moi, d'une facette linguistique notamment.

    Mettre un terme aux classements et autres actions de désencombrement entamées. Bientôt, un nouveau commencement pour une partie de moi-même.

  • enquête sinophile




    Je bénis l'existence d'internet et les liens disséminés sur chaque page parce que mon cerveau fonctionne exactement comme ça.
    Je veux dire, le plus souvent, quand je lis un truc, je me demande ce qui fait que ce truc existe et tiens avec quoi puis-je relier ce morceau d'explication et oh comme c'est joli ce bidule qui ressemble mais pas tout à fait...

    Exemple : je prépare une salade de poulet. Dedans il faut que je mette du curry. Du coup je me demande ce qu'est précisément la composition du curry. Et puis d'ailleurs, est-ce que tous les currys sont identiques ? et en Thaïlande, est-ce que ça se dit curry aussi ?... 3 heures plus tard, ma salade n'a pas avancé.

    En ce moment, c'est le chinois (le langage) qui me fait cliquer sur des liens, imaginaires ou internet. Je vais en Chine bientôt et je me suis dit "ce serait bien de savoir dire bonjour et merci." 
    J'ai donc demandé l'aide d'un collègue chinois qui m'a appris une vingtaine de mots en phonétique.
    Puis j'ai pensé, c'est sympa de savoir le dire mais ce serait encore mieux de savoir les reconnaître quand ils sont écrits.
    Et enfin, pourquoi pas savoir aussi les gribouiller ?

    Impossible de résister, je fais ma maligne sur internet en montrant mes beaux gribouillis d'idéogrammes. Bien sûr, des gens qui, eux, savent parler chinois, me répondent des trucs dans cette langue.
    Parmi les énigmes, je dois donc comprendre la phrase suivante :

    可是 你 写 的 良 好

    (il manque un petit signe avant le mot n° 6)

    7 mots donc. Et je connais déjà :
    le numéro 3 : tu
    le numéro 6 : très
    le numéro 7 : bien / bon (et pour la petite histoire, le mot est formé de femme + enfant)

    Au bout de 10 minutes, j'ai donc : 
    bip bip tu bip bip très bien ! 

    Les deux premiers, c'est pas des mots que je connaisse. 
    Le premier, ça ressemblerait à demander... mais il manque un trait.
    Je reconnais dans le numéro 1 l'idéogramme de la bouche et dans le numéro 2, celui de l'homme. Tant pis si je comprends rien, ça me fait plaisir.
    Le 4 ou le 5, ça doit être écrire ou lire vu le contexte. 

    Après recherche du mot écrire sur google j'ai un mot de plus. en fait 4 + 5 ça veut dire écrire.

    Donc : 

    bip bip tu écris très bien ! 

    Reste à comprendre 1 et 2. Est-ce que c'est un ou deux mots, du coup ?

    Ne pas faire appel à mon collègue.
    Ne pas faire appel à mon collègue.

    Donc je tape au hasard des mots dans google
    Ca marche pas.

    Après 20 minutes, ma légendaire patience s'effrite.
    Et puis mon stagiaire a fini par remarquer que je ne fous rien, du coup...
    De toute façon le hasard...

    Alors j'écris la phrase sur un papier et je vais voir mon collègue.
    "c'est un seul mot les 2 premiers, c'est "cependant" ou "toutefois" je dirais..."

    可是 你 写 的 良 好  = Mais tu écris très bien !

     

  • Alger sans Mozart

     
    Alger sans mozart.pngL'Algérie, ce pays que je connais si peu à part les quelques souvenirs de cours d'histoire qui me restent. C'est là pourtant que se passe Alger sans Mozart -ce n'est pas une grande surprise au vu du titre, je vous l'accorde...
     

    Louise est adolescente, elle vit en Algérie un peu avant la décolonisation. Elle est française et aime son pays de façon viscérale. Et son pays, ce n'est pas la France métropolitaie, c'est l'Algérie française. Mais l'actualité va bientôt mettre à mal son identité.

     

    Marc vit à Paris, il est réalisateur et il aime que sa vie sulfureuse fasse la une des journaux. Il est talentueux et respecté mais n'a pas l'air de respecter ni le autres ni lui-même. On comprend vite que lui aussi est marqué par l'Algérie.

    Passé et présent, ce roman dévoile à travers le témoignage de la tante et de son neveu une dissection partiale et explosive de leur histoire familiale. Chaque chapitre est un monologue écrit à la première personne par l'un d'eux. Chacun a donc une dynamique et un style très différents.

    Et après le premier chapitre, je m'inquiète de devoir faire un effort pour finir ce livre. Je ne connais rien des lieux décrits, l'écriture ne me plaît qu'à moitié, je n'arrive pas à trouver le fil qui va me tirer vers la page suivante.

    La fascination me prend donc par surprise au chapitre suivant. Marc vomit son mépris, il n'a aucune douceur. Ses mots me laissent presque un goût métallique.
    C'est lui qui m'explique ma réserve du début quand il se moque de sa tante  : Louise et son enfermement dans un français désuet et plaintif m'agacent, j'ai envie de la secouer.
    Mais Marc vaut-il mieux ?

    Après trente pages ce fut réglé : il fallait que je sache, que je comprenne les liens entre ces deux révoltés à leur manière.

    J'ai avalé l'histoire, fabriqué mon Alger, senti l'odeur du soleil sur les murs décrépis, frémi de dégoût et eu envie de la douceur de l'été sur les plages algériennes. J'ai appris beaucoup aussi sur l'Histoire et sur ces français devenus étrangers dans leur propre pays.

    C'est étonnant et en même temps c'était bon de ne pas parvenir à aimer complètement les personnages principaux. Il y a plus de véracité dans les sentiments que je ressentais en lisant.

    Quand la fin est arrivée, même si une partie m'a parue inévitable, j'ai eu envie de voir des films se passant en Algérie, pour confronter avec mes images mentales de cette histoire. Par contre, je n'avais pas envie de savoir la suite de la vie des personnages. C'était le moment de dire au revoir et c'était parfait.

    Alger sans Mozart
    Canesi & Rahmani
    Ed Naïve